Coronavirus Le Cirque du Soleil en grosse difficultés

ATS

5.6.2020 - 07:44

Pour éviter la faillite au groupe qu'il a fondé au Québec en 1984 puis revendu en 2015, l'ancien cracheur de feu Guy Laliberté a lui-même laissé entendre qu'il pourrait mettre la main à la poche (archives).
Pour éviter la faillite au groupe qu'il a fondé au Québec en 1984 puis revendu en 2015, l'ancien cracheur de feu Guy Laliberté a lui-même laissé entendre qu'il pourrait mettre la main à la poche (archives).
Source: KEYSTONE/EPA/MAXIM SHIPENKOV

Endetté jusqu'au cou, privé de représentations depuis des mois pour cause de coronavirus, le Cirque du Soleil est au bord du gouffre. Le sauvetage de ce fleuron culturel canadien suscite une intense bataille en coulisses.

Pour éviter la faillite au groupe qu'il a fondé au Québec en 1984 puis revendu en 2015, l'ancien cracheur de feu Guy Laliberté a lui-même laissé entendre qu'il pourrait mettre la main à la poche.

«Cette relance devra se refaire à juste prix. Et non pas à tout prix», a cependant prévenu l'ancien bateleur de 60 ans, déterminé à ne pas voir son «bébé» bradé à des groupes privés.

«Après mûre réflexion», le saltimbanque milliardaire a choisi de se lancer dans le processus de relance, «entouré d'une super équipe», sans plus de détails.

La pandémie a frappé de plein fouet la célèbre troupe qui a conquis la planète avec des spectacles poétiques et colorés et fait la fierté des Canadiens.

Du jour au lendemain en mars, le cirque a dû annuler 44 productions dans le monde, de Las Vegas à Tel Aviv en passant par Lyon, Moscou ou Melbourne. Et mettre au chômage technique 4.679 acrobates et techniciens, 95% de ses employés.

Confronté à un effondrement de ses revenus et menacé de faillite, le géant mondial du divertissement a mandaté début mai une banque canadienne pour examiner ses options, y compris sa vente.

En attendant, ses actionnaires lui ont accordé un financement de 50 millions de dollars (quasiment autant en francs) pour ses «besoins de liquidités à court terme».

Premier clown spatial

Premier clown à séjourner à bord de la Station spatiale internationale en 2009, M. Laliberté a cédé le contrôle du cirque pour 1 milliard de dollars américains en 2015.

Ce dernier est tombé dans l'escarcelle du fonds privé américain TPG Capital, qui en détient aujourd'hui 55% du capital, contre 25% pour le fonds chinois Fosun – propriétaire du Club Med et de Thomas Cook – et 20% pour la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Gestionnaire du «bas de laine» des Québécois, la CDPQ a racheté en février, juste avant la pandémie, la part restante de 10% de Guy Laliberté dans l'entreprise.

Depuis 2015, le cirque s'est lancé dans de coûteuses acquisitions et rénovations de salles de spectacle permanentes, pendant que son esprit créatif s'étiolait, selon les critiques de la presse québécoise.

De Las Vegas en passant par New York ou la Chine, les couacs se sont accumulés sous ses chapiteaux jaune et blanc, alourdissant une dette de plus d'un milliard de dollars américains.

Craignant que le cirque ne «soit revendu à d'autres intérêts étrangers», le gouvernement du Québec vient d'offrir un prêt conditionnel de 200 millions de dollars américains (182 millions d'euros) au cirque pour relancer ses activités.

Mais cet «accord de principe» est conditionné à ce que le siège du cirque demeure à Montréal et que la province puisse racheter au moment opportun les participations américaine et chinoise, «à la valeur marchande» et avec «probablement un partenaire» local, a dit Pierre Fitzgibbon, ministre québécois de l'Economie.

«Manoeuvres navrantes»

«L'État ne veut pas opérer le cirque, mais le cirque est trop important pour le Québec (pour le) laisser à des étrangers», a-t-il dit.

Outre M. Laliberté, des acheteurs locaux sont sur les rangs, dont Québecor, le géant des télécoms et des médias du magnat Pierre Karl Péladeau, qui a dénoncé les «manoeuvres navrantes» du cirque pour avoir rendu publiques ses propositions.

«C'est essentiellement la valeur et la réputation de la marque comme telles, le branding», qui motivent de potentiels acheteurs, estime Michel Magnan, de l'université Concordia à Montréal.

Mais «tant qu'il y a des restrictions au regroupement de personnes, l'avenir n'est pas très rose» pour le cirque.

Plusieurs défis l'attendent, selon lui: «tous ces spectacles-là, y avait des gens derrière ça», affirme-t-il. «Plus le temps passe, plus cette expertise-là risque de s'évaporer et (...) ces actifs devenir intangibles».

Mince consolation, le cirque a repris mercredi ses représentations à Hangzhou, en Chine, cinq mois après leur report dans cette ville à quelque 700 km à l'est de Wuhan, où le virus a fait son apparition à la fin de l'année 2019.

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