Genève
Voici tout juste 30 ans, les marchés boursiers globaux vivaient une nouvelle journée "noire", après celles de 1929. Depuis, ils ont été malmenés, mais sans connaître un plongeon comparable au krach boursier du 19 octobre 1987. Le risque pourtant n'est pas exclu.
Ce fameux "lundi noir" de l'automne 1987, à Wall Street, le Dow Jones dégringolait de 22,6%. Près de 600 millions de titres ont été échangés, avec à la clé quelque 560 milliards de dollars évaporés. Dans sa chute, la première Bourse mondiale entraînait les autres grandes places: Hong Kong dégringolait de 46%, Londres de près de 27%.
Deux mauvaises nouvelles ce jour-là auront déclenché la panique générale. D'abord, l'annonce d'un déficit américain plus important que prévu. Ensuite, un relèvement des taux allemands. Mais surtout, le mouvement trouve son origine dans la hausse des rendements des obligations - passés de 7,5% à 10% en l'espace de quelques mois - provoquant l'éclatement d'une bulle spéculative sur les actions.
En sens inverse
"Un phénomène est en train de se mettre en place qui ressemble furieusement à ce qui s'est passé en 1987", observe Michel Girardin, chargé d'enseignement en macroéconomie à l'Université de Genève. Dans les mois qui précèdent le krach de 1987 survient en effet une réallocation massive des investissements vers les obligations.
"Depuis 2012, on est exactement dans cette configuration", poursuit l'expert. A savoir, depuis que les rendements obligataires ont commencé à chuter, suite à la promesse de la Banque centrale européenne (BCE) "de tout faire" pour sauver l'euro sur fond de crise de la dette grecque. Aujourd'hui en Suisse, les rendements obligataires sont même négatifs.
Cette fois, le mouvement s'est produit dans le sens inverse. Les investisseurs institutionnels, traditionnellement très conservateurs, prennent des risques et se tournent vers les actions. "Le grand danger, c'est la fin de ce phénomène", dit Michel Girardin, c'est-à-dire, un retour massif vers les obligations.
Banques centrales décisives
Les décisions des banques centrales seront donc décisives. Selon les propres estimations de la Réserve fédérale américaine (Fed), la fin du programme d'assouplissement quantitatif devrait générer une hausse - progressive - de 1% des rendements obligataires à l'horizon 2019.
Un même scénario est prévisible en Europe, mais avec un décalage. La BCE entend maintenir pendant longtemps les taux d'intérêt à des niveaux très bas, même après la fin du programme de rachat d'actifs dans la zone euro, à l’encontre des appels allemands à sortir rapidement de la politique ultra-accommodante.
La situation actuelle est particulière, avec de la croissance, mais sans inflation dans le panier de la ménagère. "C'est pourquoi les banques centrales rechignent à relever les taux d'intérêt même si elles voient que les marchés d'actifs sont surchauffés", relève M. Girardin. Heureusement, elles ont aussi compris l'importance de la communication, ce qui permet d'anticiper. "On peut préparer les marchés pour limiter la casse."
Or, la courroie de transmission entre la politique monétaire et les banques ne fonctionne pas toujours. Si une banque centrale abaisse les taux pour relancer le crédit, et partant l'économie, il n'est pas dit que les instituts financiers suivront, rappelle l'économiste.
Un "bon" krach
Le krach boursier du 19 octobre 1987 n'a pas eu de conséquence de long terme sur l’économie réelle. Contrairement à 1929, les banques centrales ont rapidement réagi. Dès le lendemain, la Fed injectait des liquidités sur le marché bancaire pour éviter la paralysie. Deux ans plus tard, le Dow Jones revenait à ses niveaux d'avant octobre 1987.
Cependant, la crise révéla l’interdépendance entre le marché des changes, celui des taux d’intérêt et celui des actions. Elle démontra comment un bouleversement sur l’un des marchés provoque mécaniquement des répercussions à moyen terme sur les deux autres.
"Le krach 1987 était un bon krach, qui a nettoyé les marchés", souligne Michel Girardin. Selon lui, les marchés baissiers tels que vécus en 2000, 2002, 2007 ou 2009 sont plus à craindre.
Toutefois, une nouvelle crise "à la 1987" provoquerait de gros dégâts. "Il y a tellement d'argent investi dans les actions, parce que les obligations ne sont pas intéressantes, que cela pourrait poser problème", affirme Michel Girardin.
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