Flambée des coûtsLes Britanniques étranglés par les factures d'énergie
afp
21.11.2021 - 11:11
Dans son appartement de deux chambres dans un quartier populaire du sud de Londres, Doreen Thompson préfère recevoir dans sa cuisine. De la moisissure s'est installée sur les murs du salon, s'excuse-t-elle. Surtout, il y fait plus chaud.
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21.11.2021, 11:11
ATS
«J'aimerais mettre le chauffage toute la journée, mais je ne peux pas me le permettre», explique la retraitée de 70 ans. Les factures qui s'alourdissent grèvent sa pension de 1200 livres mensuelles (environ 1500 francs).
Après le loyer (près de la moitié de ses revenus), les impôts locaux et les dépenses pour ses multiples problèmes de santé, les prix de l'énergie qui s'envolent achèvent de grignoter ce qui lui reste pour vivre.
Depuis peu, elle est à découvert les fins de mois: «Dieu merci, c'est seulement de 35 livres ce mois-ci», souffle cette femme au fort caractère, autrefois assistante sociale et à l'aise financièrement, qui se retrouve aujourd'hui à demander de l'aide à des associations dans lesquelles elle était autrefois bénévole.
Chaque mois, elle reçoit une facture unique pour l'énergie et les télécommunications (internet notamment), qui a plus que doublé en un an, passant de 120 livres à plus de 250, dont la moitié pour le gaz et l'électricité.
«Je sens que l'hiver va être épouvantable», s'inquiète-t-elle, alors que le plafond des prix de l'énergie fixé par les autorités britanniques, déjà relevé au 1er octobre, pourrait augmenter à nouveau en avril.
«Choquée»
«Je suis choquée par le montant de mes factures», s'exclame la retraitée, qui raconte avoir craqué à la banque il y a deux mois: «j'ai pleuré». Maigre consolation, elle a reçu quelques temps plus tard un petit bouquet de la part son banquier.
Mme Thompson n'est pas seule dans son cas: de nombreuses personnes «ne savent tout simplement pas comment elles vont passer l'hiver», affirme Ruth London de Fuel Poverty Action (FPA), une association de lutte contre la pauvreté énergétique.
Les prix de l'énergie sont dopés par l'envolée des cours mondiaux du pétrole et du gaz. Et leur hausse s'ajoute dans le pays à une récente diminution des minimas sociaux.
Poussée par les prix de l'énergie, l'inflation a atteint en octobre un plus haut depuis près de dix ans, à 4,2%, et la hausse des prix annuelle pourrait culminer à 5% en avril, prévoit la Banque d'Angleterre.
«Beaucoup en sont réduits à rationner leur utilisation d'énergie, en mettant par exemple le chauffage une heure par jour, ou seulement lorsque les enfants sont à la maison», selon la FPA.
Pour éviter de voir ses factures s'envoler, Graeme Langton, qui vit à Salford près de Manchester, dans nord de l'Angleterre) garde ainsi souvent son chauffage éteint, disant préférer «porter un pull en plus plutôt que de payer des centaines de livres».
Se chauffer ou manger ?
Dans son immeuble mal isolé, certains de ses voisins, des personnes âgées, «se couchent tôt parce qu'il ne peuvent pas se permettre le chauffage». Un autre «dort sur le canapé de son salon parce qu'il n'a pas les moyens d'allumer les radiateurs dans d'autres pièces», décrit-il.
«Nous nous préparons tous à la hausse des prix» cet hiver ajoute-t-il, assurant que pour certains «il faudra choisir entre se chauffer ou manger».
Lorsqu'elle fait les courses dans son quartier londonien, Doreen Thompson est elle aussi obligée de faire des choix: au-delà de l'énergie, l'inflation fait grimper tous les prix.
Lorsque ses difficultés ont commencé l'an dernier, elle a reçu des colis alimentaires, mais étant au-dessus des seuils elle n'y a plus droit.
A présent, elle compte tout. «Je n'achète pas de vêtements ou de chaussures, cela fait deux mois que je veux aller chez le coiffeur, je n'ai pas pu», raconte t-elle, ajoutant avoir «réduit davantage sur la nourriture et sur les articles de toilette».
Alors que «la pauvreté sévère» atteint des niveaux jamais vus dans le pays, selon FPA, le gouvernement a annoncé début octobre une enveloppe de 500 millions de livres pour aider les plus modestes à payer leurs factures d'électricité ou leur nourriture pendant l'hiver.
Pour l'année 2019/2020, 14,5 millions de personnes vivaient dans la pauvreté au Royaume-uni selon des statistiques gouvernementales, avant le plein choc de la pandémie et de l'inflation.