Industrie suisse Les gros consommateurs de gaz se préparent aux pénuries

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8.7.2022 - 11:42

L'industrie suisse à forte consommation de gaz naturel est inquiète. Dans le contexte de la guerre en Ukraine et des tensions avec la Russie, l'approvisionnement du pays s'annonce problématique pour l'hiver. Les scénarios de crise de la Confédération, qui prévoient de protéger les ménages d'un éventuel contingentement, contrairement aux entreprises, font grincer des dents.

Les scénarios de la Confédération prévoient qu'en cas de pénurie, les installation bicombustibles des entreprises qui en disposent soient commutées en mode mazout. (image d'illustration)
Les scénarios de la Confédération prévoient qu'en cas de pénurie, les installation bicombustibles des entreprises qui en disposent soient commutées en mode mazout. (image d'illustration)
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Keystone-SDA, rq

«Les pénuries de gaz naturel constituent une menace pour nos membres», a déclaré à AWP une porte-parole du Groupement d'intérêt des industries à consommation intensive d'énergie (Igeb), qui représente notamment les principales fonderies, tuileries, verreries et papeteries du pays. «Nous sommes très inquiets, car un tiers des besoins en énergie de l'industrie des machines est couvert par le gaz naturel», renchérit-on à la faîtière Swissmem.

Les scénarios de la Confédération prévoient qu'en cas de pénurie, les installation bicombustibles des entreprises qui en disposent soient commutées en mode mazout. Pour les installations monocombustible, c'est le contingentement qui serait imposé. Ces mesures sont loin de satisfaire tout le monde.

«Seul un nombre restreint de nos membres peuvent commuter leurs installations au mazout», précise l'Igeb. «Pour certaines entreprises, cela nécessiterait d'importants travaux pouvant durer de six mois à trois ans. Pour d'autres, ce n'est tout simplement pas possible». Une commutation du gaz naturel vers le mazout, quand elle est possible, coûte entre 0,5 et 2 millions de francs pour une société industrielle.

Au Groupement d'intérêt Gaz naturel (IG Erdgas), on estime que seulement 30% à 40% de la consommation de gaz naturel pourrait être substituée. Une situation que confirment les entreprises approchées par l'agence AWP. «Nous produisons exclusivement avec du gaz naturel, nous n'avons pas de système alternatif», indique ainsi Christian Kolly, directeur des Tuileries Fribourg & Lausanne (TFL) à Guin.

Pas d'alternative pour de nombreuses entreprises

«A l'heure actuelle, le prix du gaz constitue la plus grande menace pour nos activités», explique M. Kolly. Concernant d'éventuels contingentements, il faut compter deux semaines pour qu'un four atteigne la température de 1040 degrés et le rythme de production souhaité. «Chaque arrêt de production engendre donc des pertes importantes, aussi bien sur le plan comptable qu'énergétique, sans compter l'usure prématurée des installations», souligne-t-il.

Chez Vetropack, qui exploite la plus importante verrerie de Suisse à Saint-Prex, on s'inquiète également de la situation. Le gaz naturel représente en effet 80% des sources d'énergie pour le chauffage des cuves de fusion. «En Suisse, nous pourrions, avec un effort raisonnable et un délai de quelques semaines, faire passer notre usine de Saint-Prex au fonctionnement au mazout pour notre four de fusion», indique une porte-parole.

Vetropack travaille sur des scénarios d'arrêt partiel ou total de l'approvisionnement, tout en faisant remarquer que la production d'emballages alimentaires fait partie des infrastructures critiques.

Aussi, avant de décréter des suspensions de production, les entreprises concernées réclament une pesée des intérêts. «Il n'est pas possible d'appliquer des mesures uniformes à toutes les entreprises industrielles, qui ont des procédés de production très différents», souligne M. Kolly, des TFL. Un calendrier doit être convenu, car il n'est pas possible d'imposer une coupure une semaine à l'avance.

Le directeur des tuileries réclame également des mesures d'accompagnement: RTH simplifiées, compensation pour les pertes liées aux arrêts et redémarrages des fours et exonérations de pénalité pour les émissions de CO2 supplémentaires.

Pour un équilibre des sacrifices

Mais chez les représentants de l'industrie, c'est la protection des ménages et des services publics au détriment des entreprises qui passe mal. Les entreprises seraient quasiment les seules à porter le fardeau en cas de pénurie de gaz naturel, regrette-t-on chez Igeb. «Nous souhaiterions que les ménages ne bénéficient pas d'un traitement privilégié».

Chez IG Erdgas, on estime qu'un «équilibre des sacrifices» entre toutes les parties prenantes est nécessaire. Une solution serait de rétribuer par un système d'enchères des contingents disponibles ceux qui s'engagent à restreindre leur consommation de gaz, suggère un porte-parole. En effet, si des entreprises ou des particuliers étaient payés pour ne pas acheter de gaz, les premiers à se manifester seraient les consommateurs qui peuvent y renoncer sans subir de gros dommage.

Chez Swissmem, on considère que l'idée des enchères est intéressante et mérite analyse, mais une mise en oeuvre avant l'hiver apparaît peu réaliste.

En Suisse, plus de 40% du gaz est utilisé par les ménages, environ 35% par l'industrie et 22% par le secteur des services. Seul 1% de la consommation concerne les véhicules, selon le Seco.

Le prix du gaz s'envole depuis plusieurs mois. Le TTF néerlandais, référence du marché du gaz naturel européen, a en effet bondi de 382% sur un an.