Virus Les matches sans spectateurs sont un défi

ATS

8.5.2020 - 11:58

Les ligues professionnelles américaines envisagent de rejouer à huis clos (archives).
Les ligues professionnelles américaines envisagent de rejouer à huis clos (archives).
Source: KEYSTONE/AP/Rich Pedroncelli

Les ligues professionnelles américaines envisagent de rejouer à huis clos ou avec un public volontairement clairsemé, une configuration imposée par la pandémie de coronavirus, qui va peser lourd financièrement et pourrait mener à de profondes évolutions.

Rien n'est finalisé, mais MLB (baseball), NHL (hockey) et NBA (basket) semblent privilégier l'hypothèse de matches joués à huis clos, sur un site confiné ou dans leur enceinte, selon des médias américains.

Si NBA et NHL, dont les saisons étaient en cours, «parvenaient à reprendre et jouer les playoffs, ils feraient de très bonnes audiences», anticipe Andrew Zimbalist, professeur d'économie au Smith College (Massachusetts).

Mais compte tenu de leur modèle économique, tous les championnats ont-ils un intérêt financier à jouer sans spectateurs?

Des quatre ligues majeures, la NHL est celle qui est la plus dépendante des recettes aux guichets. Sans elles, «cela ne marcherait pas très bien pour eux», prévoit Andrew Zimbalist.

Dans le cas de championnats de moindre envergure, l'équation pourrait être encore plus délicate, prévient l'universitaire.

La Major League Soccer (foot), ne tire qu'environ 11% de ses revenus (chiffres 2018) de ses contrats de diffusion télévisée, le reste provenant essentiellement des recettes dans les stades (tickets, stands, publicité).

«Ils vont avoir de gros problèmes», confirme Andrew Zimbalist.

Toutes les ligues travaillent à des scénarios de reprise à huis clos, faute de savoir aujourd'hui si elles pourront seulement rouvrir leur enceinte à des spectateurs cette année.

Même la NFL (football américain), dont le championnat ne démarre qu'en septembre, n'écarte pas cette possibilité.

Des cabinets spécialisés travaillent déjà à faire de cette formule une réalité.

Cacher des sièges vides

Pour Mark Williams, du cabinet d'architecte HKS, si jouer sans spectateurs est une contrainte, c'est aussi l'opportunité d'innover.

«Comment pouvons-nous proposer un complément à ce qui se passe sur le terrain, pour qu'on ne voie pas des rangées de sièges vides?«, s'interroge-t-il, indiquant avoir été contacté par plusieurs acteurs majeurs du sport.

Il cite l'exemple du SoFi Stadium de Los Angeles, stade NFL conçu par HKS, prochainement inauguré et bourré de technologie, avec notamment un écran géant suspendu et double face qui entoure tout le terrain, et pourrait être utilisé pour habiller le stade vide.

«Peut-être pouvons-nous aussi utiliser cette technologie», dit-il, «pour que même si les sièges sont vides, (...) les fans puissent avoir l'impression d'être dans cet environnement», sans pour autant y être.

Cette réflexion s'inscrit, pour Mark Williams, dans un mouvement, déjà entamé de longue date, de montée en puissance de la technologie dans le sport et de conquête d'audiences élargies qui ne se rendent pas ou peu aux matches.

«Avant même le Covid-19, nous travaillions déjà d'arrache-pied à créer un environnement virtuel qui soit équivalent à l'environnement physique», dit-il.

Si la tendance actuelle est aux matches à huis clos, ligues et championnats étudient également la possibilité d'accueillir bientôt du public tout en respectant les règles de distanciation.

Un scénario qui nécessiterait probablement, selon Mark Williams, une «couche supplémentaire» de contrôle à l'entrée (température), similaire aux portiques de sécurité qui se sont généralisés après le 11-Septembre.

Une fois à l'intérieur, concrètement, la distanciation sociale signifie que «2 sièges sur 3 seront vides», prévoit-il.

Viable économiquement ?

Dès lors, compte tenu des coûts engagés, la question se pose, reconnaît Mark Williams: «Est-ce que cela à un sens économiquement? C'est une vraie préoccupation».

Sans compter que même en cas de réouverture, les fans, dont beaucoup redoutent la contagion, ne seront peut-être pas au rendez-vous.

Une menace d'autant plus légitime, selon Andrew Zimbalist, que frappés par une crise économique brutale, «les gens auront moins d'argent à dépenser».

Le vaccin contre le coronavirus est en route, mais nul ne sait encore quand il sera disponible pour tous, seule vraie échéance pour envisager de remplir les arènes sportives sans restriction, de l'avis général.

Dès lors, Mark Williams n'exclut pas que certaines salles ou stades se réinventent, avec une perspective de plus long terme à l'esprit, avec moins de sièges, et des places plus chères. «On pourrait en arriver là.»

«Je ne vois pas l'aspect des enceintes sportives changer de manière significative», estime, pour sa part, Ryan Sickman, du cabinet d'architectes Gensler, qui a collaboré à la construction ou l'aménagement de nombre d'entre eux.

«Nous disons aux gens (qui les consultent actuellement): préparons-nous pour le pire, mais ne surréagissons pas», dit-il.

«Je ne vois pas un match de Coupe du monde (de foot) où les fans ne pourraient pas se tomber dans les bras après un but», fait valoir le responsable du sport au sein du cabinet. «On reviendra à une forme de normalité, parce que nous, humains, en avons besoin.»

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