Combat loin d’être gagnéLes prix continuent de flamber en Suisse
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12.4.2024 - 10:25
Le taux d'inflation n'a cessé de reculer en Suisse ces derniers mois, mais le combat contre la cherté des produits du quotidien semble loin d'être gagné. Les tarifs pour la viande, le fromage et le café, ainsi que l'électricité et les voyages continuent de lourdement peser sur le portefeuille des consommateurs.
Keystone-SDA, al
12.04.2024, 10:25
ATS
La Banque nationale suisse (BNS) avait acté mi-mars la maîtrise des prix à la consommation, en effectuant un abaissement surprise de son taux directeur. Cette décision tenait compte «de l'atténuation de la pression inflationniste et de l'appréciation du franc». La banque centrale helvétique avait estimé que «la lutte contre l'inflation au cours des cinq derniers semestres a été efficace».
De fait, l'inflation a ralenti en mars sur un an à 1,0%, après avoir progressé de 1,2% en février, de 1,3% en janvier et de 1,7% en décembre. Mais sur une autre base de calcul, soit comparé à janvier 2022 avant l'éclatement de la guerre en Ukraine, qui a fait flamber les prix, le tableau est différent.
Selon les données de l'Office fédéral de la statistique (OFS) analysées par l'agence AWP, l'inflation a en effet atteint 5,3% sur la période allant de janvier 2022 à mars 2024, ce qui représente une tendance annualisée de 2,4%.
Mauvaises récoltes
Sur cette période, les prix des produits alimentaires – l'un des plus importants postes de dépenses des ménages avec près de 10% – ont flambé de 7%, notamment ceux de la viande (+4,2%), du fromage (+9,2%), des fruits et légumes (+3,5%), du sucre (+23,5%) et du café (+9%).
Pesant pour près d'un cinquième aux dépenses des foyers, les loyers (+4,6%) ont également augmenté, ainsi que les vêtements (+11,5%), l'électricité (+47,9%), le gaz (+26%), les carburants (+4,4%) et les voyages à forfait (+28,1%). Seule surprise, les prix des médicaments (-5,5%) ont baissé.
Si la hausse des coûts de certaines matières agricoles s'explique par de mauvaises récoltes, notamment pour le sucre et le café, la situation est différente pour d'autres groupes de produits.
Pour les prix de l'énergie, qui ont reculé sur les marchés de gros après la flambée qui a suivi le début de l'invasion russe en Ukraine, «les révisions des tarifs sont périodiques et non continues» et «n'ont pas été répercutées sur les consommateurs», a souligné Arthur Jurus, chef stratégiste à la banque privée Oddo BHF Suisse. «Les prix aux consommateurs réagissent plus rapidement et fortement aux hausses des prix sur les marchés financiers, mais beaucoup moins à la baisse», a-t-il estimé.
Selon l'expert, «nous observons depuis janvier 2022 deux ruptures avec les évolutions des 20 dernières années: la tendance déflationniste de l'alimentaire, observée depuis 20 ans jusqu'à la crise ukrainienne, est derrière nous». Quant aux loyers, ils «sont en train de rattraper leur tendance historique sur deux décennies et accélèrent davantage», a détaillé M. Jurus.
Concernant la flambée des prix des voyages à forfait, les causes sont multiples. Andrea Beffa, directrice de la Fédération suisse du voyage (FSV), l'explique par la hausse des coûts du carburant, notamment du kérosène moins polluant, et du personnel. Les manques de disponibilités dans les liaisons aériennes et les difficultés de livraison de pièces détachées d'avions créent une pénurie au niveau de l'offre et font également enfler les prix pour les voyageurs, a-t-elle énuméré.
«Le sommet (au niveau des prix) devrait être atteint en 2024», a estimé Mme Beffa, ajoutant que les tarifs des billets d'avion devraient se stabiliser au niveau de l'année dernière.
Taux réduit de TVA
La Fédération romande des consommateurs (FRC) se dit quant à elle «préoccupée par l'impact de ces hausses de prix sur les consommateurs, en particulier sur les ménages les moins aisés».
«Il est difficile (...) de juger si ces hausses sont justifiées sans une transparence totale des coûts de production et des marges des entreprises», a indiqué Jean Busché, responsable économie et nouvelles technologies à la FRC. Mais «les hausses de prix sont souvent répercutées directement sur les consommateurs pour maintenir des marges élevées, ce qui est particulièrement préoccupant lorsqu'il s'agit de biens essentiels comme les denrées alimentaires», a-t-il mis en avant.
L'organisation plaide «pour une plus grande transparence des prix et des marges des distributeurs» et estime «essentiel d'adopter des mesures ciblées axées sur les postes de dépenses non compressibles pour alléger le coût de la vie pour les ménages les moins aisés». Au niveau parlementaire, la FRC soutient ainsi l'application du taux réduit de la TVA à l'électricité, un moratoire sur la hausse des primes maladie et une baisse drastique du prix des transports publics.