«C'est la jungle!»En France voisine, les salariés en euros délogés par les frontaliers
ATS
1.10.2023 - 09:43
Un trois pièces à 1500 euros par mois, un 35 m2 pour 790 euros: ce sont des loyers parisiens prohibitifs qui s'affichent sur les vitrines des nombreuses agences immobilières de Saint-Julien-en-Genevois. Les salariés en euros peinent à se loger.
Keystone-SDA
01.10.2023, 09:43
01.10.2023, 09:55
ATS
Située à une dizaine de kilomètres de Genève, cette commune très résidentielle est un des points d'ancrage privilégié des frontaliers, qui travaillent en Suisse pour des salaires élevés avec un niveau d'imposition plus bas mais préfèrent habiter en France, pour bénéficier des prix immobiliers plus bas et conserver leur couverture sociale.
«Se loger ici n'est pas dans mes moyens», constate une jeune mère de famille qui travaille à la mairie de Saint-Julien. «J'ai un petit garçon et je suis enceinte, donc si je voulais me loger ici, il me faudrait un T3, à minimum 1250 euros». Comme beaucoup de ceux qui travaillent à Saint-Julien, cette fonctionnaire a été contrainte de se loger à plusieurs dizaines de kilomètres, dans la direction opposée de la Suisse.
Trois fois
«Être le plus 'proche douane', c'est ça qui fait que ça va être cher. Dès que vous allez sur les petites campagnes aux alentours, que vous vous éloignez, le prix baisse drastiquement», détaille Alec Froppier, un agent immobilier spécialisé dans le locatif chez Foncia. Et malgré ces prix, la demande ne tarit pas: «aujourd'hui j'ai neuf annonces pour 20 ou 30 demandes par jour», dit-il en montrant son écran.
«Les agences réclament trois fois le loyer en salaire donc ça s'adresse directement à des frontaliers parce que quand vous êtes sur un loyer à 1000 euros, gagner 3000 euros en France...», soupire d'un air entendu Damien Poitout, commerçant à Saint-Julien. Les chiffres ont explosé avec la libre circulation devenue pleinement effective en 2014. En 2020, plus de 215'000 Français transfrontaliers vers la Suisse étaient recensés.
«C'est la jungle!»
Dotés d'un important pouvoir d'achat, ces «navetteurs» tirent les prix vers le haut, creusant l'écart avec les salariés en euros – le salaire minimum est à 4500 francs suisses (4654 euros) dans le canton de Genève.
Non loin de Saint-Julien, Annemasse a obtenu en 2021 la triste palme de quatrième ville la plus inégalitaire de France. Dans cette ancienne ville ouvrière, les 10% les plus riches gagnent plus de 5 fois plus que les 10% les plus pauvres, selon le rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, en 2021.
«Il y a des gens qui ont un emploi fixe, qui ont un salaire et qui vivent dans leur voiture», s'indigne Christian Dupessey, le maire PS de cette commune de 37'500 habitants.
En Haute-Savoie, le prix médian au m2 a augmenté de 30% en cinq ans, d'après un livre blanc impulsé par la maire de Saint-Julien-en-Genevois, Véronique Lecauchois. «C'est la jungle», reconnaît Samuel Bonhomme, consultant immobilier expert chez Foncia, à Saint-Julien où un T3 basique se loue minimum 1200 euros, mais peut atteindre plus de 1400 euros.