Fin des «visas en or» Londres s'attaque au système ayant favorisé les flux d'argent russe

ATS

9.3.2022 - 09:28

Sanctions contre les oligarques, fin des «visas en or», loi contre la criminalité économique: l'invasion russe en Ukraine pousse le gouvernement britannique à s'attaquer à un système qui a attiré pendant des décennies de l'argent russe aux origines parfois douteuses.

Le rôle de facilitateur joué par le secteur financier britannique et les armées d'avocats, comptables et autres agents immobiliers de la place londonienne est souvent pointé du doigt par les activistes anti-blanchiment.
Le rôle de facilitateur joué par le secteur financier britannique et les armées d'avocats, comptables et autres agents immobiliers de la place londonienne est souvent pointé du doigt par les activistes anti-blanchiment.
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«C'est la fin d'une époque», affirme à l'AFP l'avocat Dominic Grieve, ancien président d'une commission parlementaire qui avait dénoncé en 2020 la complaisance de Londres face à l'origine de colossales sommes d'argent russe investies dans le pays.

Le rôle de facilitateur joué par le secteur financier britannique et les armées d'avocats, comptables et autres agents immobiliers de la place londonienne est souvent pointé du doigt par les activistes anti-blanchiment. Tout comme le gouvernement conservateur pour son manque d'efficacité, voire une certaine hypocrisie, dans la lutte contre les flux d'argent douteux.

Pôle d'attraction

Mais l'escalade en Ukraine a forcé l'exécutif à réagir. Selon M. Grieve, l'installation de richissimes citoyens russes avait aussi été dopée à partir de 2008 par la mise en place de «visas en or», accordés en échange d'investissements se comptant en millions de livres.

Avec ces visas, «Londres et le Royaume-Uni sont devenus un pôle d'attraction indéniable», en particulier «pour des hommes d'affaires russes ayant gagné beaucoup d'argent dans des circonstances souvent très douteuses avec la désintégration de l'ex-Union soviétique», ajoute-t-il.

Ils ont vu dans le Royaume-Uni «un endroit agréable pour faire des affaires (...) et dans de nombreux cas vivre et y éduquer leurs enfants».

L'ONG Transparency International a identifié 1,5 milliard de livres sterling (1,8 milliard de francs) de biens immobiliers détenus par des Russes accusés de corruption ou de liens avec le Kremlin dans des quartiers chics de Londres.

Et plus de 2000 sociétés enregistrées dans le pays ou ses territoires ont été utilisées dans des affaires de blanchiment ou de corruption portant sur 82 milliards de livres d'argent russe, selon l'ONG, qui pointe le rôle «involontaire ou pas» de banques, cabinets d'avocats ou comptables britanniques.

«Encore à faire»

Londres avait annoncé mi-février l'arrêt de ses «visas en or», avant d'allonger la liste des personnes visées par des sanctions d'environ une quinzaine de Russes proches du gouvernement de Vladimir Poutine.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a promis lundi qu'il y avait «encore à faire» en matière de sanctions individuelles. Et un projet de loi déposé au Parlement est censé empêcher le blanchiment via des propriétés immobilières en forçant à dévoiler l'identité finale des propriétaires qui ne pourront plus se «cacher» derrière une société.

«Il était évident» que beaucoup d'oligarques russes au Royaume-Uni «entretenaient des liens très étroits avec l'Etat russe», posant un risque pour la sécurité du pays, estime Dominic Grieve.

Moyens suffisants

La City de Londres «va être très touchée» par les sanctions visant les oligarques, telles que le gel de leurs avoirs ou des interdictions de voyager. «Mais le Royaume-Uni attire des placements monétaires du monde entier» et «ça ne veut pas dire que c'est la faillite» pour le secteur, assure-t-il.

Les professionnels du secteur financier britannique étaient en outre déjà soumis à des lois destinées à contrôler les flux d'argent sale, mais elles n'étaient jusqu'ici que trop peu appliquées, notamment à cause d'un manque de moyens criant des services gouvernementaux de lutte contre la criminalité financière.

«Le nouveau paquet de mesure a le potentiel d'être très efficace» en particulier pour faire la lumière sur «les propriétaires de près de 90'000 biens immobiliers» détenus de façon opaque dans le pays, selon Ben Cowdock, responsable des enquêtes chez Transparency International au Royaume-Uni. Mais «ces mesures devront bénéficier de moyens suffisants pour pouvoir être mises en oeuvre de façon efficace», prévient-il.

Au service des oligarques

Selon une enquête de Transparency International en 2019, les fortunes investies dans le royaume provenaient certes en grande partie de Russie, mais aussi d'Ukraine, de Chine, du Nigeria entre autres.

«Depuis la fin de l'Empire (britannique), la Grande-Bretagne s'est consacrée au service des personnes et entreprises les plus riches du monde», pas seulement russes, abonde Oliver Bullough, auteur d'un livre sur le sujet qui sort cette semaine.

Malgré les récentes annonces gouvernementales, «il n'y a semble-t-il pas de prise de conscience que nous ne devrions pas accepter d'argent» douteux d'où qu'il vienne, regrette l'auteur auprès de l'AFP. Et sans nouveaux moyens dédiés, il juge les annonces britanniques «très décevantes».