Airbus entre mercredi dans une nouvelle ère avec le départ de Tom Enders et l'arrivée de Guillaume Faury à sa tête, dans un contexte de défis industriels et commerciaux majeurs mais aussi d'enquêtes judiciaires qui pèsent sur le géant aéronautique européen.
«Nous allons travailler avec passion pour continuer à faire croître Airbus, avec succès et durablement», a déclaré devant les actionnaires réunis en Assemblée générale celui qui représente une nouvelle génération à la tête du groupe. Il devait être formellement intronisé à cette occasion, mercredi à Amsterdam.
Le président du conseil d'administration, Denis Ranque, a confirmé qu'il quitterait ses fonctions l'an prochain, et que le conseil d'administration avait choisi René Obermann, l'ex-président de Deutsche Telekom, pour prendre sa place. Cette nomination interviendra lors de la prochaine assemblée, ce qui complètera le changement à la tête d'Airbus.
Le Français, actuel patron de la branche d'aviation civile prend les rênes d'un groupe solide: Airbus affiche un carnet de commandes qui lui offre une visibilité de près de dix ans avec plus de 7577 appareils à livrer. En valeur, son carnet de commandes représente 460 milliards d'euros (près de 519 milliards de francs), y compris le spatial et la défense.
Mais il hérite également d'un groupe déboussolé par la crise de gouvernance qu'il a traversée depuis un an et demi. Elle s'est traduite par les départs successifs de plusieurs de ses dirigeants historiques, notamment son ex-numéro deux, Fabrice Brégier, qui était censé succéder à M. Enders.
M. Faury devra surtout gérer les conséquences des enquêtes qui visent Airbus. La décision de Tom Enders d'auto-dénoncer des irrégularités sur des transactions valent au constructeur d'être depuis 2016 sous le coup d'investigations du Parquet national financier (PNF) en France et du Serious fraud office (SFO) en Grande-Bretagne. Ce faisant, il compte échapper à un procès en bénéficiant des lois anti-corruption dans les deux pays.
L'ex-patron de la division Airbus Helicopters devra donc parachever la remise en ordre de bataille du géant au moment où son concurrent Boeing traverse une crise majeure autour du 737 MAX.
Il s'appuie sur des fondamentaux solides et une réorganisation de la gamme d'avions plus agressive sur le plan commercial, après avoir annoncé en février, de la fin de la production de l'A380, l'emblématique géant des airs entré en service en 2007 et en bout de course faute de commandes. Ses livraisons cesseront en 2021.
A l'autre extrémité de sa gamme, le constructeur a fait entrer depuis l'été 2018 un petit nouveau, l'A220, ex-CSeries de Bombardier dont il a racheté le programme, avec notamment en ligne de mire le marché nord-américain.
L'A320, colonne vertébrale
Enfin, Airbus tient le bon bout autour de l'A400M, qui pèse depuis des années sur ses résultats avec d'importants retards. Le programme de l'avion de transport militaire a été en grande partie redressé et enregistre désormais «des progrès tangibles», même si «des risques demeurent».
L'Allemand Tom Enders, dont l'enveloppe de départ pouvant atteindre 36,8 millions d'euros a récemment suscité des critiques, a tenté de laisser la place nette à son successeur, mais ce dernier reste confronté à des défis majeurs.
Le premier est industriel: Guillaume Faury doit poursuivre la montée en cadence de l'A320neo, le moyen-courrier concurrent du 737 qui constitue la colonne vertébrale d'Airbus, avec un objectif de 60 appareils assemblés chaque mois d'ici à mi-2019 et 63 l'an prochain.
Airbus s'est donné pour objectif de livrer 880 avions cette année, contre 800 en 2018, dont 626 étaient des A320.
Il a eu les plus grandes difficultés à atteindre cet objectif l'an dernier en raison des problèmes de moteurs rencontrés par l'américain Pratt & Whitney, et dans une moindre mesure CFM International l'an dernier.
Compte-tenu du poids que représente l'A320neo dans son carnet de commandes – le monocouloir a été commandé à 6.500 exemplaires -, ce défi est critique pour Airbus.
Guillaume Faury devra aussi relancer Airbus sur le plan commercial, en plein repli des commandes. S'il est parvenu à afficher 831 commandes nettes d'avions en 2018, il reste sur un bilan négatif de -58 commandes nettes depuis le début de l'année en raison d'annulations.
Mais il devra surtout proposer une vision stratégique alors que le secteur aéronautique est confronté à des enjeux écologiques majeurs, mais aussi de consolidation européenne et doit développer de nouveaux modèles et modes de fonctionnement, relève Philippe Plouvier, directeur associé au cabinet de conseil Boston Consulting Group.
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