L'effet de la pandémie sur l'emploi dans le monde est «bien pire» que prévu sur les six premiers mois de l'année. L'Organisation internationale du travail (OIT) a affirmé mardi à Genève qu'un retour aux chiffres d'avant la crise ne serait pas possible cette année.
Au deuxième trimestre, l'équivalent de 400 millions d'emplois à plein temps, pour une semaine de 48 heures, sera perdu par rapport au quatrième trimestre de l'année dernière, relève l'organisation dans sa 5e évaluation depuis le début de la pandémie de coronavirus. Soit un recul de près de 15%.
Il y a un mois, l'OIT n'estimait cette baisse qu'à moins de 11% et 305 millions d'emplois équivalents plein temps. «C'est une large augmentation», a admis devant la presse le directeur général Guy Ryder. Ce volume se décline entre plusieurs situations comme notamment ceux qui travaillent moins longtemps, le chômage partiel ou encore les licenciements.
La situation s'est dégradée dans de nombreuses régions, notamment dans les pays en développement. Le recul a atteint 18,3% sur le continent américain, le plus affecté, 13,9% pour l'Europe et l'Asie centrale, 13,5% pour l'Asie/Pacifique et 12,1% pour l'Afrique.
Recul entre 34 et 340 millions en fin d'année
L'immense majorité des travailleurs, 93%, habite dans des pays confrontés à des fermetures de bureaux. Les restrictions les plus importantes sont là aussi observées sur le continent américain. «Il y a une corrélation claire» entre les zones où les cas sont les plus élevés et l'effet pour l'emploi, dit M. Ryder.
Pour autant, des pays ont mieux oeuvré que d'autres et les dispositifs pour éviter la propagation du virus constituent «une précondition» pour une amélioration sur le marché de l'emploi. Ceux qui ont tardé font face à un impact plus important à long terme.
Pour la seconde partie de l'année, un scénario entre le plus pessimiste et le plus optimiste part du principe que l'économie reprendra conformément aux prévisions, que les restrictions seront levées et que la consommation et l'investissement augmenteront. Et il anticipe alors un recul de 4,9% des heures travaillées par rapport au dernier trimestre de l'année dernière.
En cas de seconde vague et du retour d'importantes restrictions, la baisse atteindrait 340 millions d'équivalents plein temps ou près de 12%. Le scénario le plus optimiste, avec une reprise rapide des activités des travailleurs, prévoit un recul de 1,2% (ou 34 millions d'équivalents plein temps). «La reprise ne sera ni facile ni rapide», a également dit M. Ryder.
Appel à «redoubler d'efforts»
Les travailleuses ont été elles particulièrement affectées par la pandémie. L'OIT redoute que les avancées sur l'égalité entre femmes et hommes soient perdues en raison de la crise. Au total, 40% des femmes oeuvrent dans les branches les plus touchées, contre moins de 37% des hommes. Elles sont aussi davantage représentées dans le travail domestique, qui les expose davantage à des pertes de revenus et à des menaces d'infection.
Le rapport de l'OIT salue la rapidité avec laquelle des pays ont lancé des politiques face à la crise, mais met en garde aussi contre les nombreux défis. «Les décisions que nous adoptons maintenant» auront des effets «dans les prochaines années et au-delà de 2030», estime de son côté M. Ryder.
Il a appelé à une «collaboration bien plus importante» entre Etats et à «redoubler d'efforts» face à la pandémie. Un sommet mondial en ligne sur l'effet du Covid sur le marché de l'emploi doit avoir lieu la semaine prochaine, avec des chefs d'Etats et de gouvernement, des employeurs et des syndicats.