L'initiative «Pour une eau propre» est contre-productive, selon la faîtière des paysans. Elle pousserait certaines branches comme la viticulture, les élevages de porcs ou de volailles à s'affranchir des obligations de ce texte et à se passer des paiements directs.
L'Union suisse des paysans (USP) a présenté mardi à Berne une étude de cas portant sur onze exploitations-type. Si cette modélisation ne peut pas être généralisée à toute l'agriculture suisse, elle montre que l'initiative aurait de lourdes conséquences économiques à court terme pour toutes les exploitations retenues.
L'initiative «Pour une eau potable propre» exige une production sans pesticide. Les exploitations doivent renoncer à tous les produits phytosanitaires et biocides, ce qui inclut par exemple les produits de nettoyage utilisés dans la production de lait.
Le texte demande aussi que les fourrages et les aliments complémentaires pour les animaux de rente soient produits sur l'exploitation. Seules les exploitations qui remplissent ces critères pourraient recevoir des subventions fédérales.
Six se passeraient des subventions
Sur les onze exploitations testées, cinq tenteraient de s'adapter aux nouvelles exigences de l'initiative pour continuer de toucher des paiements directs de la Confédération. Il s'agit surtout de paysans à la tête de grandes cultures ou qui pratiquent la production laitière. Pour ces catégories, les aides fédérales représentent une grande part du chiffre d'affaires.
Six exploitations préféreraient en revanche renoncer aux soutiens étatiques et ne pas être astreintes aux restrictions sur les pesticides. Il s'agit d'une part des secteurs de la viticulture et de l'arboriculture pour qui renoncer complètement aux produits phytosanitaires induirait une perte de rendement significative. Les «bio» suivraient sans doute aussi cette voie.
D'autre part, les agriculteurs spécialisés dans l'engraissement de porcs et de volaille renonceraient également aux paiements directs, selon l'étude. Pour ceux-ci, il est inimaginable de nourrir les animaux uniquement avec du fourrage produit sur l'exploitation.
Bouleversement
Les exploitants interrogés indiquent qu'une acceptation de l'initiative aurait des effets importants sur le type de cultures privilégiées: les pommes de terre et betteraves seraient sans doute remplacées par des cultures moins délicates. Un oui aurait aussi des conséquences sur le revenu à la baisse des producteurs.
Les résultats de ce sondage posent la question de l'efficacité de l'initiative si les secteurs agricoles les plus importants décident de ne pas s'adapter aux nouvelles exigences. En cas de oui, il faudrait craindre une politique agricole à deux vitesses avec d'un côté les exploitants «dans le système» et ceux «hors système».
Les paysans sont conscients de la nécessité de réduire l'utilisation des pesticides mais ils estiment que le texte va trop loin. L'USP rappelle que la Confédération a lancé plusieurs projets et certaines mesures sont prévues dans la politique agricole 2022.
Le Conseil fédéral dit non
Le Conseil fédéral a d'ailleurs rejeté en décembre cette initiative sans lui opposer de contre-projet. Il mettait déjà en avant le risque d'une aggravation de la pollution qu'entraînerait une intensification de la production agricole si les exploitations venaient à sortir du système des paiements directs.
«L'initiative pour une eau potable propre et une alimentation saine – Pas de subventions pour l'utilisation de pesticides et l'utilisation d'antibiotiques à titre prophylactique» a été lancée par un comité citoyen indépendant.
Elle est soutenue par diverses associations de protection de l'environnement comme Greenpeace, BirdLife, la Fédération de pêche. L'étude commandée par l'USP a été réalisée par la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) à Zollikofen (BE).
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