Sans banquise, les ours polaires meurent de faim. Alors si les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter, le réchauffement pourrait signer la quasi extinction de ces plantigrades emblématiques de l'Arctique d'ici la fin du siècle.
Dans une étude publiée lundi dans Nature Climate Change, des chercheurs se sont penchés sur la plus grande menace qui pèse aujourd'hui sur les ours blancs: la disparition progressive de leur habitat, la banquise, d'où ils attrapent les phoques indispensables à leur alimentation.
Le carnivore vit dans les régions arctiques où la température peut descendre jusqu'à -40°C en hiver. Il peut jeûner pendant des mois, notamment pendant la période estivale où la banquise fond chaque année.
Absence de glace
Mais avec le réchauffement de la planète, deux fois plus rapide en Arctique, l'absence de glace dure de plus en plus longtemps. Incapables de trouver dans leur environnement une autre alimentation aussi riche que les phoques, de plus en plus d'ours affamés s'aventurent déjà parfois loin de leur territoire, près de zones habitées.
La fonte de la banquise est un défi en particulier pour les femelles, qui entrent à l'automne dans leur tanière pour mettre bas au milieu de l'hiver et émerger au printemps avec leurs oursons.
«Elles doivent alors attraper assez de phoques pour stocker suffisamment de gras et produire suffisamment de lait pour nourrir leurs petits pendant tout le jeûne de l'été», explique à l'AFP Steven Amstrup, un des auteurs de l'étude et scientifique en chef de l'ONG Polar Bears International.
Taux de survie
«En estimant le poids maximal et minimal des ours, et en modélisant leur dépense énergétique, nous avons calculé le nombre limite de jours de jeûne que peut supporter un ours polaire avant que le taux de survie des adultes et des petits commence à décliner», ajoute Peter Molnar, de l'université de Toronto. Par exemple, un mâle de la sous-population de la Baie d'Hudson d'un poids 20% en dessous de la normale au début du jeûne ne survivrait que 125 jours, contre 200 aujourd'hui.
Les quelque 25'000 ours polaires sont répartis en 19 sous-populations distinctes au Canada, en Alaska, en Sibérie, au Svalbard et au Groënland, dont certaines sont mal connues. Selon l'étude publiée lundi, ces groupes ne seront pas tous touchés au même rythme.
Mais si les émissions de gaz à effet de serre continuent à la même cadence qu'aujourd'hui, «la chute de la reproduction et de la survie va mettre en danger la persistance de presque toutes les sous-populations d'ici 2100», concluent les chercheurs. A l'exception peut-être de l'île de la Reine-Elisabeth, note Steven Amstrup.
«Leur habitat fond»
Et même si le réchauffement était limité à 2,4°C par rapport à l'ère pré-industrielle -près d'un demi-degré au dessus de l'objectif de l'Accord de Paris-, cela «ne garantirait pas de sauver les ours polaires à long terme», insiste le scientifique. «Si par magie, même avec l'augmentation des températures, la banquise se maintenait, ça irait probablement pour les ours polaires. Mais leur habitat fond littéralement avec la montée des températures».
La planète a gagné plus de 1°C depuis l'ère pré-industrielle, entraînant déjà une multiplication des canicules, sécheresses ou inondations. Et alors que les engagements actuels des Etats conduiront à un monde à + 3°C, ces événements météo extrêmes sont appelés à s'aggraver avec chaque demi-degré supplémentaire.
Classer l'ours blanc «en danger critique» sur la fameuse liste rouge de l'Union internationale de protection de la nature (IUCN), qui les considère seulement «vulnérables», ne changerait probablement rien au destin funeste du plantigrade arctique.
Beaucoup des espèces en danger le sont à cause du braconnage ou de la destruction directe de leur habitat par l'Homme. Mais «on ne peut pas construire une clôture pour protéger les ours polaires de la température qui monte», souligne le scientifique de Polar Bears International.