Colmar La splendeur retrouvée du Retable d'Issenheim

ATS

30.4.2022 - 13:27

C'est une oeuvre mythique, qui attire les amateurs d'art du monde entier: au musée Unterlinden de Colmar, le Retable d'Issenheim a retrouvé son éclat original, grâce au travail «colossal» réalisé par une équipe de restaurateurs.

Dans l'ancien couvent transformé en musée, les visiteurs peuvent observer les dernières retouches effectuées par Anna Brunetto, spécialiste mondiale de la restauration au laser. Avec ses épaisses lunettes de protection, elle progresse, millimètre par millimètre, pour enlever les couches de peinture successives ajoutées sur le cadre au fil du temps et retrouver les couleurs d'origine.

«La complexité est de trouver l'équilibre entre les parties qu'on veut enlever et celles qu'on veut garder», explique cette Italienne de 52 ans, qui a notamment contribué à révéler des dessins de Leonard de Vinci sur des plafonds du château des Sforza à Milan.

Une «oeuvre primordiale»

Autour d'elle sont exposées les parties déjà restaurées du Retable d'Issenheim. L'oeuvre est composée de dix tableaux, présentant des épisodes de la vie du Christ et de celle de Saint Antoine, et huit reliefs sculptés réalisés entre 1512 et 1516 par deux grands maîtres allemands, Matthias Grunewald et Nicolas de Haguenau.

«Il y a la Chapelle Sixtine, il y a la Joconde et il y a le Retable d'Issenheim: c'est une oeuvre primordiale. Je la place au même niveau pour sa dimension et son retentissement», expose Pantxika de Paepe, la directrice du musée alsacien.

Le chef d'oeuvre avait pâti des couches de vernis déposées successivement, assombries ou jaunies avec le temps, et des manipulations opérées à la Révolution française comme au cours de deux guerres mondiales, pour le mettre à l'abri, qui ont altéré les encadrements et les supports en tilleul.

Après plusieurs opérations superficielles, jusqu'à la dernière menée au début des années 1990, une restauration complète s'imposait. Elle s'est déroulée sur plus de quatre ans et demi, principalement dans l'enceinte du musée, mais aussi à Paris (pour les sculptures) et Vesoul (certains encadrements). Une rénovation qui a coûté 1,4 million d'euros, financée à 80% par le mécénat.

Cinq siècles de patine

«C'était un exercice très méticuleux. Voir l'amincissement des vernis, redécouvrir certains plans, des couleurs, des profondeurs, des contrastes, c'est merveilleux», s'enthousiasme Pantxika de Paepe. Sur le panneau de La Crucifixion, «on retrouve par exemple la chevelure de Marie-Madeleine, alors qu'on ne la voyait pas avant, elle était masquée par le vernis», qui s'était opacifié.

La restauration a mobilisé deux équipes, dix personnes en charge des sculptures et 21 pour les peintures. Responsable des peintures, Anthony Pontabry ne cache pas sa satisfaction devant l'ampleur du travail accompli.

«Il y a cinq siècles de patine sur les tableaux, donc il y a une légère métamorphose des couleurs, mais je pense que nous sommes très très proches de ce que Grunewald a fait», soutient-il. L'inauguration est prévue le 30 juin.