«On peut se les cailler»À l'Université de Strasbourg, les fermetures jettent un froid
ATS
21.9.2022 - 11:31
«On est l'avenir de demain, mais on peut se les cailler, ce n'est pas grave!» Entre deux amphis, Sabrina Hamm ironise sur le plan de sobriété énergétique dévoilé lundi par l'Université de Strasbourg qui prévoit notamment deux semaines de fermeture supplémentaires cet hiver pour faire baisser la note de chauffage.
Keystone-SDA
21.09.2022, 11:31
21.09.2022, 11:33
ATS
Sur le campus de l'Esplanade, l'étudiante de 21 ans en licence d'études scandinaves redoute de retomber dans l'enseignement à distance, comme au plus fort de la pandémie. «En visio, je ne suis pas, donc ça risque de me mettre au plus bas», confie celle qui trouve que les bâtiments sont déjà froids.
Pour répondre à l'ambition gouvernementale de 10% d'économies d'énergie et tenter de juguler une facture en passe de doubler à 20 millions d'euros, l'Université de Strasbourg avait envisagé dès la rentrée le blocage des thermostats à 19 degrés, le report de la saison de chauffe ou un travail sur les bonnes pratiques (éteindre son ordinateur, la lumière, réfléchir à ses déplacements).
Vacances supplémentaires
La décision d'une troisième semaine de vacances au début du mois de janvier et d'une autre en distanciel en février a été communiquée aux 57'000 étudiants dans une vidéo publiée sur Youtube, une annonce qui a pris tout le monde de court.
«On a besoin d'une continuité dans l'enseignement, surtout quand on a notre âge, c'est important de rester dans un cadre scolaire et universitaire», regrette ainsi Paulin Enger, étudiant en 3ème année d'anglais.
«Ajouter des jours à une période longue de fermeture est l'une des mesures les plus rentables en terme d'énergie», défend le président de l'Université, Michel Deneken pour justifier une reprise en 2023 décalée au 9 janvier au lieu du 3, comme initialement prévu.
Le professeur de théologie catholique affirme avoir consulté les ingénieurs du patrimoine avant de prendre sa décision de mettre certains édifices hors chauffe. Une période de concertation doit par ailleurs s'ouvrir avec les organisations syndicales dans les prochains jours pour détailler les secteurs concernés.
Chasse au gaspillage
Une seule bibliothèque sur les 20 que comptent les huit sites de «l'UniStra» devrait rester ouverte durant les deux semaines de fermeture. Le personnel pourrait aussi devoir prendre des congés imposés.
«C'est nous qui allons payer en utilisant Internet et les ordinateurs depuis chez nous», assure pour sa part Camila Ferreira, Brésilienne de 30 ans inscrite en sciences du langage.
Parmi les 600'000 mètres carrés de bâtiments que compte l'Université, certains seront néanmoins épargnés par la chasse au gaspillage, comme l'insectarium qui nécessite une température constante et étudie les maladies transmises par les moustiques, ou le laboratoire de biologie, extrêmement énergivore.
Le président de l'Université réfléchit tout haut pour l'avenir à un calendrier assez audacieux, inspiré de ce qui se fait outre-Rhin: «Pourquoi ne pas rentrer dès la fin août et finir plus tard, de sorte à avoir un vrai mois de janvier fermé?».
«En été, il fait 40 degrés ici», rétorque Pascal Maillard depuis son bureau de chercheur non climatisé, au cinquième étage d'un immeuble orienté plein sud.
Service public
S'il plaide pour une économie de la décroissance, le secrétaire académique du Snesup-FSU, majoritaire à Strasbourg, met en garde: «un plan d'économie énergétique ne doit pas être un plan d'économie budgétaire». Le syndicaliste voit dans les fermetures hivernales un manquement à l'obligation de service public et une décision solitaire.
Face au mur énergétique, la ministre de l'Enseignement, Sylvie Retailleau, a promis mardi d'accompagner les établissements, précisant qu'il ne fallait surtout pas que ce plan de sobriété se fasse aux dépens des étudiants, en appelant également à garder les enseignements fortement en présentiel.