«ADN» de Londres Ils se battent pour sauver les derniers réverbères à gaz 

Relax

27.11.2022 - 20:12

(AFP) – Devant l'Abbaye de Westminster, sous le regard intrigué des touristes, Paul Doy grimpe sur son échelle, soulève le globe d'un réverbère à gaz, remonte la minuterie puis enflamme les petits manchons en tissu qui en chauffant le métal créent la lumière chaude si typique de ces lampadaires.

Depuis quelques années, ces anciens réverbères ont tendance à être remplacés par des lampadaires plus modernes, fonctionnant à l'électricité.
Depuis quelques années, ces anciens réverbères ont tendance à être remplacés par des lampadaires plus modernes, fonctionnant à l'électricité.
Daniel LEAL / AFP

27.11.2022 - 20:12

«J'aime l'aspect historique de ce travail», explique Paul, qui se lève tous les matins à 5 heures pour accomplir sa mission dans le quartier touristique de Covent Garden. «Il s'agit principalement de remonter les horloges mécaniques vieilles de 100 ans et de régler l'heure» d'allumage des lampadaires, raconte ce membre d'une équipe de cinq allumeurs de réverbères.

Mais ce rituel vieux de plus de 200 ans a bien failli disparaître du centre de Londres. Depuis quelques années, ces anciens réverbères ont tendance à être remplacés par des lampadaires plus modernes, fonctionnant à l'électricité.

Le Borough de Westminster souhaitait remplacer les près de 300 réverbères à gaz qui existent encore sur son secteur, au grand dam de certains habitants et amoureux de patrimoine.

Grâce à une intense mobilisation, ces derniers ont réussi à faire plier en partie la municipalité, qui a finalement accepté cette semaine d'en conserver 174, notamment ceux situés dans des endroits particulièrement «remarquables», a-t-elle indiqué mardi dans un communiqué annonçant sa décision.

Le sujet avait même été évoqué récemment au Parlement, où des députés avaient pris le parti des vieux réverbères.

Il y a un peu plus d'un an, Tim Bryars, propriétaire d'une petite librairie dans Covent Garden et à l'origine de la campagne pour sauver les lampadaires, avait découvert par hasard ce projet.

«Un matin, je suis sorti de ma boutique, il y avait deux hommes de la ville qui creusaient un trou. Je leur ai demandé ce qu'ils faisaient et ils m'ont répondu de ne pas m'inquiéter, qu'ils regardaient juste si ce serait facile de convertir ces lampes à gaz à l'électricité», raconte-t-il.

Aujourd'hui, il estime que la décision de la ville est «une première étape satisfaisante».

«Mais elle doit faire plus. Nous avons besoin d'un engagement politique ferme pour préserver effectivement les lampadaires à gaz, et pas seulement en conserver quelques uns jusqu'à ce qu'ils deviennent gênants», ajoute-t-il.

- l'ADN de Londres -

Modèles Rochester, Grosvenor, design simple ou plus raffiné, Londres compte toujours plus de 1.000 de ces réverbères à gaz, installés à partir du début du 19e siècle et considérés alors comme une innovation majeure dans un centre-ville aux rues sombres, souvent malfamées et dangereuses.

Au coeur de la capitale, ils éclairent encore une partie du Mall, la grande avenue menant à Buckingham Palace, les petites rues de Covent Garden ou les abords de l'Abbaye de Westminster, recréant à la nuit tombée l'ambiance mystérieuse des romans de Charles Dickens ou de films comme Mary Poppins ou Sherlock Holmes.

«Ils sont une part incroyablement importante de l'histoire de Londres, ils sont dans son ADN», défend Luke Honey, un auteur spécialiste d'antiquités impliqué dans la campagne pour les sauver, en regardant avec tendresse un de ces lampadaires dans Goodwins Court, une petite rue de Covent Garden.

- «Très bonnes imitations» -

Les autorités justifiaient leur projet par des raisons de sécurité, leur ambition de réduire les émissions de CO2 et la difficulté à entretenir ces vieux lampadaires.

«Quand ils sont cassés, les rues restent dans l'obscurité pendant plus longtemps et ne sont plus suffisamment sûres pour les piétons», expliquait à l'AFP Paul Dilmodenberg, membre du conseil municipal, juste avant l'ouverture de la consultation publique.

La municipalité espérait convaincre les récalcitrants que les modèles de lampadaires à led étaient de «très bonnes imitations» de ceux à gaz.

«Certains semblent très jolis. Mais ils sont quand même différents des originaux», estime pourtant Joe Fuller, chef de l'équipe de maintenance des vieux réverbères chez British Gaz, jugeant qu'«il est capital que l'on préserve ce patrimoine et qu'on en garde autant que possible».

Sur les près de 300 réverbères menacés, 94 seront remplacés par des modèles électriques dont les lanternes seront encore «améliorées pour refléter davantage les détails de celles d'origine», conformément aux remarques des organismes de défense du patrimoine, indique le conseil municipal.

Les défenseurs du patrimoine entendent bien vérifier les raisons pour lesquelles ils ont été choisis et espèrent encore en sauver quelques uns, prévient Tim Bryars.

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