Mulhouse A Mulhouse, la prison vétuste fait ses cartons

ATS

23.10.2021 - 12:18

A Mulhouse, la vétuste prison du 19e siècle fermera définitivement d'ici quelques jours.
A Mulhouse, la vétuste prison du 19e siècle fermera définitivement d'ici quelques jours.
ATS

La peinture s'écaille, le chauffage est capricieux et les lourdes portes de bois semblent d'un autre temps. A Mulhouse, la vétuste prison du 19e siècle fermera définitivement d'ici quelques jours, avec satisfaction pour les détenus, mais aussi un pincement au coeur pour le personnel pénitentiaire.

Keystone-SDA

«L'établissement est vraiment à bout de souffle», reconnaît Patrice Bourdaret, le chef d'établissement de cette maison d'arrêt construite en 1865, dans un pays souvent pointé du doigt pour la vétusté de ses prisons et sa surpopulation carcérale.

Les 350 détenus, condamnés ou en attente de jugement, vont être transférés vers le centre pénitentiaire flambant neuf de Lutterbach, à à peine dix kilomètres de là. Pour des raisons de sécurité, la date du transfert est tue. Mais le 10 novembre marquera la fermeture officielle, a indiqué Hubert Moreau directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Est.

Quatre mois après la fermeture de la prison de Colmar, qui était encore plus vieille, «on ne pouvait pas continuer d'accueillir des personnes détenues dans de telles conditions et imposer des conditions de travail aussi dégradées au personnel», a souligné M. Moreau.

Panne de chauffage

Les taches de couleurs vives créées par les ballons coincés dans les barbelés d'une cour de promenade ou les portes de cellules peintes ont du mal à camoufler le délabrement de ces lieux, qui ont accueilli jusqu'à plus de 400 détenus, soit un taux d'occupation de 170%.

Sur les murs beiges défraîchis de la cellule de Bernard, 48 ans, «Alcatraz» est écrit au stylo. A Mulhouse depuis un an et demi, il n'a pas de chauffage en ce moment.

Dans le bâtiment principal, organisé sur trois étages autour d'une imposante coursive centrale, les pannes diverses et les fuites d'eau s'enchaînent. «Et l'électricité saute souvent», reconnaît un surveillant.

«J'ai eu des plaintes de détenus, mais je leur dis qu'il faut tenir encore deux semaines, on ne va pas faire des miracles maintenant», admet Patrice Bourdaret.

Pour Bernard, ce prochain déménagement dans la prison de Lutterbach, testée à vide depuis l'été, est «une bonne chose». «C'est neuf, c'est plus confortable et il y aura une douche en cellule et de l'eau chaude», se réjouit le détenu, dont la cellule de 9 m2 ne compte que des toilettes, un petit lavabo et de l'eau froide.

Dans une autre cellule un peu plus loin, un autre détenu, allongé sur un lit superposé, a lui aussi hâte de faire ses cartons – trois maximum par personne – car «ce sera propre et il y aura moins de bruit».

«Les détenus sont contents de partir, je constate qu'ils mettent du coeur à l'ouvrage» pour les préparatifs, constate Stéphane Dordor, chef de détention à Mulhouse et futur responsable du quartier de semi-liberté à Lutterbach.

Emotion

Pour le personnel pénitentiaire, honoré lors d'une cérémonie vendredi, ce déménagement est plus délicat. Arrivé en mai pour gérer la fermeture, Patrice Bourdaret reconnaît que «le plus compliqué, ce sont les aspects humains pour le personnel».

«L'émotion me gagne à l'idée de fermer cet établissement, où on m'a enseigné mon travail», explique Stéphane Dordor, qui y aura travaillé 25 ans.

Pour le chef brigadier Jean-François Hénin, ce déménagement est «une bonne nouvelle», mais aussi «un pincement au coeur». «Ici c'était familial comme structure, là-bas (à Lutterbach, qui comptera 520 places, ndlr), ça risque d'être un peu plus impersonnel».

«Lorsqu'on ferme un établissement pénitentiaire vétuste, c'est toujours délicat, on s'aperçoit qu'il y a une histoire. (...) Dans un nouvel établissement, il va falloir écrire l'histoire», craint Hubert Moreau.

Mutinerie en 1992

L'histoire de la prison de Mulhouse a, elle, été marquée par une violente mutinerie en 1992 et la crise sanitaire, quand la ville était au coeur des débuts de l'épidémie de Covid-19.

L'avenir du bâtiment, à quelques pas du centre-ville historique, n'a pas encore été décidé. Cette fermeture, «c'est ce qu'on attendait depuis longtemps», dit sans hésitation Jean-Marc Dudzic, gérant de la brasserie L'Entrecôte, juste en face. Débarrassés des parloirs sauvages bruyants, par dessus l'enceinte de la prison, il espère que ses clients vont retrouver goût à sa terrasse.