Guérison miraculeuse, pénis plus grand... Ces escrocs usurpent l'identité des médecins pour vendre du rêve

Relax

3.7.2023 - 11:40

(AFP) – Un médecin thaïlandais soutenant un traitement douteux contre le diabète, un praticien philippin vantant les mérites d'un sous-vêtement qui promet de sublimer l'entrejambe, ou une clinicienne américaine répandant un complot anti-vaccin: tous victimes d'usurpateurs d'identité qui, à travers le monde, gangrènent les professionnels de la santé.

Une tendance qui montre combien les professionnels de santé sont des cibles faciles pour les escrocs en ligne.
Une tendance qui montre combien les professionnels de santé sont des cibles faciles pour les escrocs en ligne.
Albina Gavrilovic

Les journalistes d'investigation numérique de l'AFP ont révélé une série de cas, où des fraudeurs se présentent comme des médecins pour promouvoir traitements et produits factices ou pour colporter de la propagande.

Une tendance qui montre combien les professionnels de santé sont des cibles faciles pour les escrocs en ligne, et finissent par se retrouver harcelés, voir leur réputation ternie et, dans certains cas, encourir des poursuites judiciaires.

«On usurpe mon identité (presque) tous les mois», confie à l'AFP Thiravat Hemachudha, un neurologue thaïlandais. «Ces fraudeurs veulent gagner de l'argent, alors ils citent des professionnels de la santé renommés ou crédibles pour étayer leurs affirmations».

Son nom est apparu associé à des publicités et à des messages Facebook vantant une série de traitements, pour le diabète ou l'élargissement du pénis. Le ou les coupables n'ont pas été identifiés mais c'est «une menace importante pour la santé des consommateurs», dénonce le Dr Thiravat.

Car pour les internautes, la vague croissante d'escroqueries à l'usurpation d'identité présente des risques financiers et compromet souvent l'accès à des soins fiables.

- «Guérison miraculeuse» -

Aux Philippines, Marissa David pensait avoir trouvé le meilleur remède pour une grosseur bénigne, en achetant une crème qui, selon une publicité sur Facebook, était recommandée par le célèbre médecin Willie Ong.

Or la crème en question, qui coûtait 12,50 dollars, une petite fortune pour cette mère philippine, était non seulement inefficace mais n'était en outre pas du tout recommandée par le docteur Ong.

«J'ai appris la leçon», reconnaît Mme David auprès de l'AFP. «Je ne devrais pas faire confiance aussi facilement, surtout si ces produits ne sont pas recommandés par un médecin que je connais personnellement».

Un autre médecin philippin, Winston Kilimanjaro Creones Tiwaquen, influenceur populaire sur les réseaux sociaux, a été imité sur des pages Facebook en train de faire la promotion d'un sous-vêtement magnétique qui agrandirait miraculeusement les organes génitaux masculins.

L'AFP, qui a repéré des escroqueries similaires dans d'autres pays comme la Birmanie et la Bulgarie, dispose d'une équipe mondiale de journalistes d'investigation numérique qui révèlent les fausses informations devenues virales, en partenariat notamment avec le programme de fact-checking de Meta, maison-mère de Facebook et Instagram.

Aux Philippines, l'AFP a ainsi décrypté une demi-douzaine de posts Facebook utilisant des vidéos trafiquées du Dr Wong ou usurpant l'identité du Dr Tiwaquen, dans un déluge de contenus vantant des traitements rapides «recommandés par les médecins».

«Les gens recherchent souvent des solutions rapides et peuvent être la proie d'escrocs promettant une guérison miraculeuse ou des remèdes faciles, en particulier dans les communautés qui n'ont pas accès à des services de santé fiables», déclare à l'AFP Patricia Schouker, membre de l'Institut Payne, basé au Colorado, dans l'ouest des Etats-Unis.

«Se faire passer pour un médecin donne à ces fraudeurs un air de crédibilité et de confiance».

- «Lutter contre la désinformation» -

Pour des médecins comme Natalia Solenkova, qui intervient en soins intensifs en Floride, au sud-est des Etats-Unis, ce type de désinformation a déclenché un harcèlement agressif en ligne.

Au début de l'année, des commentateurs conservateurs, dont l'animateur de podcast américain Joe Rogan, ont répandu la capture d'écran d'un faux tweet sur le vaccin Covid-19 qui utilisait le nom de la praticienne et son pseudo Twitter.

«Sachant qu'il (Rogan) a des millions et des millions d'abonnés, je me suis sentie menacée», a déclaré Mme Solenkova à l'American Medical Association.

«Je me suis sentie menacée dans ma carrière, dans mon travail, dans ma réputation».

M. Rogan a reconnu son erreur. Mais Mme Solenkova avait déjà été inondée de messages haineux. «Nous (les médecins) devons continuer à nous organiser contre la désinformation», a exhorté Mme Solenkova. «Nous devons lutter contre cette désinformation et ce harcèlement».

D'autres praticiens ont également fait l'objet de menaces de poursuites juridiques.

Comme le Dr Wong dont le nom a été usurpé pour une publicité virale d'une marque de noix mélangées.

La sœur cadette du défunt président philippin Benigno Aquino III a même dénoncé l'utilisation de son propre nom dans cette publicité et demandé à M. Ong de cesser de faire la promotion du produit sur sa page Facebook, selon des médias.

«Ce qui m'arrive en ce moment, c'est trop... Je n'arrive pas à y croire», a rétorqué le médecin en avril, dans une série de vidéos où il a dénoncé l'imposture. «Je ne peux pas croire qu'ils ne savaient pas que ces pages étaient fausses», a-t-il fustigé.

Meta, appelée par des défenseurs des consommateurs à mettre en place une police en ligne plus rigoureuse, affirme qu'elle prend «au sérieux la menace» que représentent ces escroqueries.

«Les plateformes doivent investir dans des systèmes de modération de contenu robustes pour détecter et supprimer les inscriptions frauduleuses et peuvent jouer un rôle important dans l'éducation des utilisateurs sur les risques», plaide Mme Schouker.

Pour l'experte, «la résolution de ce problème nécessite un effort collectif de la part des plateformes, des régulateurs et des autorités chargées de l'application de la loi».