«Comme des chiens»Abdeslam dénonce un procès «inéquitable»
ATS
12.9.2022 - 12:46
Salah Abdeslam, condamné à la perpétuité incompressible en France pour les attentats du 13 novembre 2015, a refusé lundi de comparaître à Bruxelles au procès des attaques commises en mars 2016 dans la capitale belge. Il a dénoncé un procès «inequittable».
Keystone-SDA
12.09.2022, 12:46
12.09.2022, 13:38
ATS
Le djihadiste français de 32 ans, qui est l'un des dix accusés au procès, a été extrait de sa cellule alors que, selon ses avocats, il ne prévoyait pas de comparaître à cette audience procédurale. Quelques minutes après l'ouverture de l'audience, il a souhaité quitter le box, a constaté l'AFP.
«La manière dont vous nous traitez, c'est inéquitable», a-t-il dénoncé à l'adresse de la présidente. Il faisait allusion aux conditions de comparution dans des boxes individuels fermés et vitrés, comparés à des «cages» par les avocats de la défense, et limitant les possibilités de communiquer selon eux. Plusieurs avocats comptaient lundi en demander la «démolition».
«Comme des chiens»
Lundi matin, les neuf accusés qui doivent comparaître ont tous été extraits de prison (un dixième, présumé mort en Syrie, est jugé par défaut). Mais plusieurs ont immédiatement critiqué ces boxes après s'être présentés devant la cour.
«On est comme des chiens ici», a tonné le Tunisien Sofien Ayari, complice de la fuite d'Abdeslam, en frappant du poing la paroi de son box. Alors qu'il avait initialement exprimé le voeu de rester, Salah Abdeslam a changé d'avis en constatant que Mohamed Abrini, Sofien Ayari et d'autres coaccusés se faisaient escorter hors de leur box.
«Je sais que ce n'est pas votre décision, ces boxes», a-t-il lancé à la présidente. Mais à cause de cela «le procès commence de manière équitable». «La plupart des accusés ne veulent pas comparaître, moi aussi je vais les rejoindre» dans les cellules du bâtiment de justice, a-t-il ajouté. Seuls trois accusés ont accepté de rester.
Un millier de parties civiles
Au matin du 22 mars 2016, deux djihadistes s'étaient fait exploser à l'aéroport international de Bruxelles-Zaventem, et un troisième une grosse heure plus tard dans le métro de la capitale européenne. Bilan: 32 morts et plus de 340 blessés.
A ce stade, le parquet fédéral a recensé 960 parties civiles, des blessés ou proches de victimes réclamant la réparation d'un préjudice, dans le plus grand procès jamais organisé en Belgique devant un jury populaire.
L'enquête a rapidement révélé, notamment grâce à un ordinateur retrouvé dans une poubelle, que les auteurs des attaques du 22 mars étaient liés à ceux du 13 novembre à Paris (130 morts), membres d'une même cellule du groupe Etat islamique (EI) formée en bonne partie sur le sol belge.
C'est vraisemblablement l'interpellation de Salah Abdeslam le 18 mars 2016 à Bruxelles qui a précipité le passage à l'acte des autres membres de la cellule.
Pour ce procès qui se tient dans l'ex-siège bruxellois de l'Otan, reconverti en vaste complexe judiciaire, les débats ne doivent s'ouvrir qu'en octobre. Mais une audience préliminaire devait régler lundi divers points de procédure, et notamment fixer l'ordre de passage des témoins qui se succéderont à la barre, a priori jusqu'à juin 2023.
Questions de sécurité
A propos des boxes, l'avocat de Mohamed Abrini – «l'homme au chapeau» qui avait abandonné son chariot d'explosifs à l'aéroport avant de fuir – a exprimé sa «honte», son «profond dégoût». «On ne peut pas tenir un procès dans ces conditions», a protesté Stanislas Eskenazi.
Le parquet fédéral devait au contraire défendre l'installation de telles structures, à ses yeux justifiées pour des questions de sécurité.
A Bruxelles six des dix accusés dont Abdeslam, Abrini, Ayari et Osama Krayem (qui avait rebroussé chemin avec ses explosifs après être entré dans le métro) étaient déjà concernés par le procès-fleuve qui s'est achevé fin juin à Paris pour le 13 novembre.
«Le début d'autre chose»
Tous sauf un doivent répondre d'"assassinats dans un contexte terroriste» et encourent la réclusion à perpétuité. Le Belgo-marocain Ibrahim Farisi est jugé pour «participation aux activités d'un groupe terroriste» et risque aux assises jusqu'à dix ans de prison, selon l'un de ses avocats.
Face aux accusés, les victimes envisagent le procès comme une étape-clé dans leur reconstruction. «On espère que nos souffrances seront reconnues» et que cela marque «le début d'autre chose», a confié à l'AFP Philippe Vandenberghe, un secouriste bénévole intervenu à l'aéroport et souffrant de stress post-traumatique.