Affaire MikeMinistère public et défense réclament l'acquittement
sj, ats
3.7.2024 - 19:16
Au dernier jour du procès en appel des six policiers lausannois dans l'affaire du décès de Mike Ben Peter, le Ministère public vaudois et la défense ont à nouveau plaidé l'acquittement des agents. L'avocat de la famille a, lui, demandé au Tribunal cantonal de les condamner pour homicide par négligence et abus d'autorité.
sj, ats
03.07.2024, 19:16
ATS
Le premier chef d'accusation est passible de maximum trois ans de prison, le deuxième, rajouté par la Cour d'appel, de cinq ans de prison au plus. En juin 2023, en première instance, les policiers avaient été acquittés par le Tribunal correctionnel de Lausanne. Le verdict de deuxième instance sera rendu lundi prochain dans l'après-midi.
«Il doit y avoir un verdict de culpabilité afin de «rendre justice pour Mike Ben Peter», a déclaré mercredi Me Simon Ntah, debout à côté de la veuve et du frère de la victime, dans la salle d'audience cantonale de Renens. «Si les policiers avaient bien fait leur travail, il ne serait pas mort», a-t-il plaidé. «C'est l'abus d'autorité qui a tué Mike», a-t-il encore accusé.
L'avocat est largement revenu sur l'arrestation musclée du Nigérian, alors âgé de 39 ans, le soir du 18 février 2018 lors d'un contrôle antidrogue à proximité de la gare de Lausanne. Il a remartelé en substance que les agents avaient «agi de manière disproportionnée et fait usage excessif de la violence», rappelant les coups aux parties génitales et aux côtes, le recours au spray au poivre, les clés de bras et de jambes, le plaquage ventral au sol et le menottage.
«Tout ça durant de longues minutes. Tout ça pour un sachet de cannabis jeté au sol juste avant l'interpellation», a-t-il plusieurs fois insisté.
Danger du plaquage ventral
Me Ntah s'est aussi focalisé sur le plaquage ventral. Citant le manuel suisse de police, il a relevé qu'il y avait «un danger à laisser une personne en position ventrale forcée». Selon lui, le document enseigne de mettre immédiatement la personne sur le côté ou assise après le menottage, et sans besoin d'appréciation de la situation. «Les policiers ont donc commis une faute», a-t-il dit.
Il est également revenu sur les cris durant le maintien au sol de Mike Ben Peter. «Que pouvait-il ressentir après avoir reçu des coups, du spray, avec ensuite la tête et le ventre contre le sol ou encore le triceps écrasé? A part de la peine et de la douleur, il n'y a rien d'autre (...) Dans le vrai monde, dans la vraie vie, ça s'appelle de la souffrance et de la détresse», a clamé l'avocat.
Le lien de causalité fait défaut
S'exprimant dans la foulée, le procureur du Ministère public Laurent Maye a, lui, demandé de rejeter tous les appels et, donc, d'acquitter les prévenus de l'homicide par négligence, comme en première instance, et de l'abus d'autorité. S'appuyant sur les expertises médico-légales, il estime toujours que le plaquage ventral ne peut pas, à lui seul, expliquer la mort de Mike Ben Peter.
Pour lui, le fameux «lien de causalité», nécessaire pour pouvoir conclure à un homicide par négligence, fait défaut. Le procureur reconnaît tout au plus «une violation des règles de prudence qu'il estime fautive» des policiers lorsqu'ils ont menotté et maintenu trop longtemps la victime sur le ventre, soit environ trois minutes dans cette position avant qu'elle perde connaissance.
Quant à l'abus d'autorité, il n'y a rien au dossier qui permette de retenir un contrôle raciste au faciès, des moyens utilisés totalement disproportionnés, un usage excessif de la force, une intention gratuite, sans raison, sans but, de nuire à autrui, a argué en substance le magistrat.
Moyens et gestes adéquats
Du côté des avocats des policiers, c'est évidemment l'acquittement qui a été plaidé. Ils se sont dits convaincus de l'innocence des agents et d'une intervention policière proportionnée, avec des moyens et des gestes adéquats face à «une résistance d'une force totalement déraisonnable».
Me Xavier de Haller a évoqué une intervention «graduelle et ascendante, conformément aux pratiques du métier de policier et pour des motifs légitimes». Au nom de la défense, il a néanmoins reconnu une issue «triste, tragique et regrettable».
Il a aussi été avancé, comme en première instance, que la «force inhabituelle» soi-disant déployée par Mike Ben Peter pouvait être liée au syndrome du délire excité – pathologie interne provoquée par un événement extérieur – entraînant un arrêt cardio-respiratoire. Celui-ci est, en l'occurrence, dû à des causes «multifactorielles et imprévisibles», a rappelé Me Raphaël Brochellaz.
Pour la défense, il n'y a en outre «aucune violation fautive d'une quelconque règle de prudence» des policiers. Elle réfute aussi l'abus d'autorité. Et cette ultime interrogation de Me Christian Favre: «pourquoi Mike Ben Peter a-t-il résisté de manière si obstinée?».