Saga judiciaireAmanda Knox condamnée à 3 ans de prison pour avoir accusé un innocent
AFP
5.6.2024
L'Américaine Amanda Knox, disculpée du meurtre en 2007 en Italie de sa colocataire britannique Meredith Kercher après une longue saga judiciaire, a été condamnée mercredi à trois ans de prison pour avoir accusé un innocent dans cette affaire au retentissement médiatique planétaire.
AFP
05.06.2024, 17:43
05.06.2024, 17:58
Marc Schaller
Amanda Knox, 36 ans, a comparu mercredi matin devant un tribunal de Florence, en Toscane, en présence de nombreux journalistes italiens et étrangers. Au cours de cette audience, elle s'est expliquée sur les circonstances l'ayant amenée à accuser Patrick Lumumba, un ami et patron de bar congolais, du meurtre de Meredith Kercher, 21 ans, en 2007.
Après l'avoir entendue, les juges ont brièvement délibéré et l'ont condamnée à trois ans de prison, peine déjà couverte par les quatre années de détention que la jeune femme a effectuées après le meurtre de Meredith.
«A la fin, j'ai mélangé des souvenirs incohérents»
Ce meurtre mêlant jeunes étudiantes, sexe et marijuana, avait eu un énorme retentissement médiatique, notamment en raison de la personnalité d'Amanda Knox, tantôt décrite comme une innocente victime, tantôt comme une meurtrière machiavélique.
«J'étais en état de choc, épuisée, sans domicile. Les policiers m'ont interrogée pendant des heures et des heures, dans une langue que je connaissais à peine, sans interprète ni avocat», a témoigné Amanda Knox avant sa condamnation mercredi.
«Ils (les policiers) me disaient que j'avais assisté à quelque chose de tellement horrible que mon cerveau l'avait bloquée» mais «je ne savais pas qui était le tueur», a-t-elle dit. «A la fin, j'ai mélangé des souvenirs incohérents de journées différentes et la police a rédigé un procès-verbal que j'ai dû signer». «Je suis terriblement désolée de n'avoir pas été assez forte pour résister aux pressions des policiers», a-t-elle encore dit à la barre.
«Elle pensait mettre un point final à cette histoire»
Native de Seattle (nord-ouest des Etats-Unis), Amanda Knox avait vingt ans lorsqu'elle a été arrêtée avec son petit ami italien de l'époque, Raffaele Sollecito, pour le meurtre sordide de Meredith Kercher dans l'appartement qu'elles partageaient à Pérouse, dans le centre du pays, où elles étudiaient.
Condamnés en première instance en 2009, ils ont été acquittés en appel, puis de nouveau jugés et finalement innocentés en cassation en 2015.
Pour avoir dénoncé Patrick Lumumba, rapidement mis hors de cause, elle a été condamnée en 2011 à trois ans de prison pour diffamation, sans toutefois être renvoyée derrière les barreaux.
En octobre dernier, la Cour de cassation italienne a cependant annulé cette condamnation et ordonné un nouveau procès, et c'est ce volet de l'affaire qui a été rejugé à Florence.
«Amanda est bouleversée. Elle pensait mettre un point final à cette histoire après 17 ans de procédure judiciaire», a réagi mercredi son avocat, Me Carlo Dalla Vedova, laissant entendre qu'ils pourraient aller en cassation.
«Il est passé aux yeux de tous pour le monstre de Pérouse»
Pour M. Lumumba, absent à l'audience, le jugement est «juste et mérité». «Nous étions amis avec Amanda Knox. Mais on ne poignarde pas un ami dans le dos, et Amanda m'a poignardé», a-t-il dit à l'agence Ansa.
Il été «profondément marqué» par cette affaire, a indiqué de son côté son conseil, Carlo Pacelli.
«Il est passé aux yeux de tous pour le monstre de Pérouse et a perdu son travail, son bar a été mis sous scellés pendant des mois», a-t-il fait valoir. «Le préjudice familial et personnel qu'il a subi est important».
«Pourquoi, et pour qui a-t-elle menti?»
L'avocat de la famille Kercher, Francesco Maresca, a indiqué mercredi à l'AFP que la question centrale de l'affaire demeurait: «Pourquoi, et pour qui a-t-elle menti ?»
En 2019, la Cour européenne des droits de l'Homme a estimé qu'Amanda Knox n'avait pas bénéficié d'une protection juridique adéquate ni d'un interprète professionnel lors de son interrogatoire et que son traitement avait «compromis l'équité de la procédure dans son ensemble».
Meredith Kercher a été retrouvée à moitié nue et poignardée 47 fois avec des traces d'agression sexuelle.
Rudy Guede, un immigré ivoirien dont des traces d'ADN ont été trouvées sur la scène du crime, a été condamné en 2008 à trente ans de prison pour meurtre et agression sexuelle, peine qui a ensuite été ramenée à seize ans. Il a bénéficié d'une libération anticipée en novembre 2021.