BrésilAntonio Sena, 38 jours en survie dans la jungle d'Amazonie
ATS
10.4.2021 - 09:32
Antonio Sena survolait les gigantesques étendues vert émeraude de l'Amazonie brésilienne à bord de son Cessna 210, quand le seul moteur s'est arrêté «subitement». La chute était inévitable, mais il en est sorti indemne, après avoir réussi à se poser en catastrophe dans une clairière. Il n'était qu'au début de son aventure.
10.04.2021, 09:32
10.04.2021, 09:45
ATS
Ce Brésilien de 36 ans n'a vraiment été sauvé que 38 jours plus tard, au terme d'un incroyable périple de «seulement» 28 km à pied au coeur de la jungle, dans l'Etat du Para, avec très peu de vivres et à la merci de jaguars, caïmans et autres anacondas.
Au terme de cette odyssée vécue dans une immense solitude, il a perdu 25 kilos, mais surtout retenu une «grande leçon»: ce vol devait lui permettre de ravitailler une mine d'orpailleurs illégaux, mais il a pris conscience de la richesse de la biodiversité de cette forêt si fragile dont les fruits l'ont maintenu en vie.
Le corps tout dégoulinant de carburant, le pilote s'est extrait de l'avion le plus vite possible et a emporté avec lui «tout ce qui pourrait être utile»: un sac à dos, trois bouteilles d'eau, quelques petits pains, une corde et un kit de survie contenant un couteau, une lampe de poche et deux briquets.
Peu après, l'avion a explosé. C'était le 28 janvier.
«A la merci des prédateurs»
Durant les cinq premiers jours, Antonio Sena a entendu le bruit des hélicoptères des équipes de secours qui survolaient la zone à sa recherche. Mais il restait invisible d'en haut, tellement la végétation était dense.
«J'étais anéanti, je pensais que je n'allais jamais m'en sortir, que j'allais mourir», raconte-t-il à l'AFP chez lui, à Brasilia.
Grâce au GPS de son téléphone mobile qui fonctionnait encore, il a pu trouver sa localisation et décider ainsi de marcher toujours vers l'Est, se repérant grâce à la position du soleil. Dans cette direction, le GPS avait signalé des pistes d'atterrissage qui pourraient suggérer une présence humaine.
«Il y avait de l'eau, mais presque rien à manger. J'étais vulnérable, à la merci des prédateurs», raconte le pilote qui s'est souvenu d'un stage de survie en conditions extrêmes qu'il avait suivi. Pour se nourrir, il choisissait les fruits mangés par les singes. Ses seules rations de protéines: trois oeufs de tinamou à gorge blanche, une sorte de poule d'eau d'Amazonie.
«Amazonien» pur sucre
Antonio Sena a traversé aussi bien des marécages que des forêts à la végétation extrêmement dense, avec des orchidées sauvages en haut des arbres. «Je n'avais jamais été dans un endroit où la forêt était si vierge, si intacte. J'ai découvert qu'en Amazonie, il n'y a pas qu'une seule forêt, c'est comme s'il y avait quatre ou cinq forêts enchevêtrées», explique-t-il.
Ce natif de Santarem, pôle de la navigation fluviale du nord du Brésil, se décrit volontiers comme un «Amazonien» pur sucre, amoureux de sa région. Mais ça ne l'a pas empêché de travailler pour des «garimpeiros», ces orpailleurs qui polluent les fleuves au mercure, et dont le nombre est estimé à au moins 20'000 en Amazonie.
«Je devais subvenir à mes besoins», explique-t-il. Pilote depuis 2011, avec 2400 heures de vol accumulées au Brésil mais aussi à l'étranger, notamment au Tchad, il a dû se résoudre à ravitailler par avion des mines illégales.
Son restaurant à Santarem avait fermé en raison de la pandémie de coronavirus, qui a fait 345'000 morts au Brésil.
«Harmonie avec la nature»
À son 35e jour de marche, Antonio Sena a enfin détecté un premier signe de présence humaine: un bruit de tronçonneuse. Et quand ce bruit a brisé le silence de la forêt à nouveau le lendemain, il a commencé à marcher dans sa direction, ce qui l'a mené à un camp de cueilleurs de noix.
Maria Jorge dos Santos Tavares, qui cueille des noix depuis une cinquantaine d'années avec sa famille, a contacté sa mère pour lui annoncer qu'il était vivant.
«Ils m'ont donné de la nourriture, des vêtements propres. Ce sont des gens adorables», confie le pilote. «Le fait d'avoir été sauvé par des gens qui travaillent en harmonie avec la nature, c'était magique», résume-t-il.
Depuis, Antonio Sena s'est promis de «ne plus jamais travailler pour des orpailleurs».