Neurosciences Apprendre du vocabulaire inconnu en dormant

ATS

31.1.2019 - 17:03

Les ondes du cerveau ont été mesurées à la clinique du sommeil à l’aide de l’électro-encéphalographie. Les auteurs Marc Züst, Simon Ruch et Katharina Henke (de gauche à droite).
Les ondes du cerveau ont été mesurées à la clinique du sommeil à l’aide de l’électro-encéphalographie. Les auteurs Marc Züst, Simon Ruch et Katharina Henke (de gauche à droite).
Source: Université de Berne/Tom Willems

Il est possible d’apprendre de nouveaux mots dans une langue étrangère pendant certaines phases du sommeil profond et de s’en souvenir inconsciemment après le réveil. C'est ce que démontre une étude de chercheurs bernois publiée dans la revue Current Biology.

On savait que les connaissances acquises à l’état d’éveil sont passées en revue pendant le sommeil au cours duquel le cerveau les «rejoue». Les connaissances sont ainsi consolidées et ancrées dans l’ensemble existant.

Katharina Henke, Marc Züst et Simon Ruch, de l’Institut de psychologie de l’Université de Berne et de la Coopération de recherche interfacultaire «Decoding Sleep» (Décoder le sommeil), ont voulu savoir s'il est possible de faire de même pour l’apprentissage de nouvelles informations.

Les chercheurs ont soumis 41 participants à une expérience. Ils ont examiné si leur cerveau endormi dans ses états actifs, ou «up-states», était en mesure d’assimiler le vocabulaire d’une langue fictive.

Convergence cellulaire

Dans la phase de sommeil profond, les cellules cérébrales commencent à faire converger leur activité. Pendant un bref instant, elles sont toutes actives, et elles entrent ensuite en même temps dans une phase d’inactivité, ou «down-state». Les deux phases alternent toutes les demi-secondes environ.

Les associations de sens entre les mots d’une langue artificielle entendus pendant le sommeil et leur traduction ont été mémorisées inconsciemment par les sujets lorsque le deuxième mot d’une paire était diffusé de manière répétée lors d’un «up-state».

Par exemple, lorsque les participants endormis avaient entendu «tofer = clé» ou «guga = éléphant» dans les écouteurs, ils étaient en mesure une fois éveillés d’indiquer si ces mots désignaient quelque chose de grand ("guga») ou de petit ("tofer»). Le taux de succès était de 60%.

«Il est intéressant de noter que la zone du langage et l’hippocampe, qui servent normalement à l’apprentissage conscient d’une langue, étaient également actifs lorsque les sujets se remémoraient le vocabulaire appris pendant la phase de sommeil profond», commente Marc Züst, cité jeudi dans un communiqué de l’Université de Berne.

«Par conséquent, ces structures cérébrales favorisent la formation des souvenirs indépendamment de l’état de conscience dominant - inconsciemment pendant le sommeil, consciemment à l’état d’éveil», ajoute le spécialiste.

Pas besoin d’être conscient

Outre son importance pratique possible, cette démonstration remet en cause les théories actuelles. Ainsi, celle qui veut que le sommeil soit un état complètement coupé du monde extérieur ne tient pas, ni celle qui juge impossible de procéder à un apprentissage ambitieux pendant la phase de sommeil profond.

«Au cours des prochaines années, la recherche montrera dans quelle mesure le sommeil peut être employé à l’acquisition de nouvelles connaissances et quelles sont les conséquences de cette utilisation», affirme Katharina Henke. La chercheuse évoque des applications pour les personnes confrontées à des difficultés d'apprentissage, par exemple.

Il est toutefois aussi possible que ce type de mémorisation perturbe la consolidation d'autres contenus ou entre en concurrence avec l'apprentissage à l'état de veille, écrivent les scientifiques dans leur article. Des études supplémentaires seront nécessaires, mais en tout état de cause, il est peu probable que l'on puisse apprendre une langue étrangère pendant le sommeil seulement.

Decoding Sleep est un projet interdisciplinaire financé par l’Université de Berne auquel participent treize groupes de recherche en médecine, biologie, informatique et psychologie. La présente étude a été réalisée en collaboration avec l’Hôpital de l’Île à Berne.

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