Des biberons dans le sac d'école Au Texas, un lycée accueille les adolescentes avec leur bébé

ATS

15.11.2023 - 07:53

Avant d'aller au lycée, Yarezi Alvarado, 17 ans, prépare non seulement son sac de cours, mais aussi les biberons pour Kamila, sa fille d'un an.

Créé dans les années 1990, l'établissement est l'un des rares du genre aux Etats-Unis. «Si cette école n'existait pas, mes 53 étudiantes auraient probablement arrêté leurs études», estime la directrice. (image d'illustration)
Créé dans les années 1990, l'établissement est l'un des rares du genre aux Etats-Unis. «Si cette école n'existait pas, mes 53 étudiantes auraient probablement arrêté leurs études», estime la directrice. (image d'illustration)
IMAGO/Pond5 Images

«Je dois penser à ses couches, ses lingettes, son lait, et la préparer», explique à l'AFP la jeune femme. «Et des vêtements propres au cas où il faudrait la changer.» Elles prennent ensuite ensemble le bus scolaire, équipé de sièges pour bébés, vers le lycée Lincoln Park à Brownsville, au Texas, proche de la frontière mexicaine.

Situé dans un quartier hispanique, l'établissement accueille des filles âgées de 14 à 22 ans, enceintes ou déjà mères. Pendant qu'elles sont à l'école, leurs bébés restent dans une garderie au sein de l'école. Celles qui allaitent peuvent toutefois aller les retrouver.

«Avoir ma fille dans l'école est une bonne chose parce que je sais qu'elle est ici et qu'on s'occupe bien d'elle», confie Yarezi Alvarado. «Et je peux aller la voir, donc je me sens mieux.»

Le Texas est l'un des Etats conservateurs ayant déclaré l'avortement illégal après une décision historique de la Cour suprême américaine à l'été 2022, ayant annulé la protection fédérale de ce droit. Au Texas, l'accès des mineures à la pilule contraceptive est en outre généralement soumis à l'autorisation des adultes, et l'éducation sexuelle n'est pas obligatoire dans les écoles.

16 bébés

Yarezi Alvarado est aidée par sa mère, mais certaines de ses camarades n'ont pas le soutien de leurs parents. Elles vivent avec le père de l'enfant ou un membre de leur famille. Selon les autorités sanitaires, le nombre de naissances chez les adolescentes (15 à 19 ans) aux Etats-Unis a chuté de 3% en 2022 par rapport à l'année précédente, et de 78% depuis 1991.

Mais l'organisation Healthy Futures of Texas, a estimé en 2021 que le taux de naissances chez les adolescentes était 2,4 fois plus élevé chez les jeunes femmes hispaniques que chez les jeunes femmes blanches. L'accès aux soins de santé, ou le faible niveau d'éducation et de revenu, peuvent contribuer à des taux de natalité élevés chez les adolescentes.

«C'est une réalité, et nous devons savoir y faire face», affirme Cynthia Cardenas, la directrice du lycée. «Nous leur rappelons qu'être enceinte n'est pas un handicap, cela dure neuf mois. Il faut aller de l'avant parce qu'elles ont la possibilité de réussir», ajoute-t-elle. Cette année, l'établissement a atteint sa capacité maximale: 16 bébés. Plusieurs autres restent sur liste d'attente.

«Un avenir»

Créé dans les années 1990, l'établissement est l'un des rares du genre aux Etats-Unis. «Si cette école n'existait pas, mes 53 étudiantes auraient probablement arrêté leurs études», estime la directrice.

Selon des données de l'organisation Child Trends, seules 53% des jeunes filles devenues mères à l'adolescence terminent leurs études, contre 90% pour les autres. L'établissement, financé par l'Etat, dispose d'une infirmière spécialisée. Et les élèves qui doivent rester chez elles après l'accouchement reçoivent des visites de leurs professeurs.

Les enseignants comprennent qu'il peut être difficile pour elles d'être assidues en classe à cause, par exemple, d'examens médicaux ou de nuits difficiles. George Ana Wilson est professeure de sciences. Si l'une de ses étudiantes a passé toute la nuit sans dormir à cause d'un bébé malade, elle recommande une «sieste réparatrice de dix minutes».

«Ce n'est pas quelque chose que je ferais dans une école normale, mais ici, cela peut faire toute la différence», explique-t-elle. Les élèves n'emportent, par ailleurs, pas de devoirs à la maison. «Dans les écoles ordinaires, ils ne comprendraient pas notre situation», dit Milla Luevano, 17 ans, mère de Roman, deux ans. «Ici, ils ne nous jugent pas, ils nous aident, ils communiquent avec nous. Ils comprennent notre situation de mère.»

Elle qui rêve de devenir enseignante conseille aux autres adolescentes mères de poursuivre leurs études: «N'abandonnez pas, parce que c'est quelque chose que vous regretterez plus tard. Parce que vous voulez un avenir», dit-elle. «Pour vous et pour votre bébé.»