Pillages en FranceLes sanctions tombent contre «les gens insérés aux comportements incohérents»
ATS
3.7.2023 - 19:02
«A situation exceptionnelle, peines requises exceptionnelles»: en comparution immédiate lundi au tribunal de Strasbourg, le parquet a requis des sanctions conséquentes à l'égard de plusieurs personnes ayant pris part aux attroupements ayant dégénéré en pillages dans des magasins du centre-ville vendredi.
03.07.2023, 19:02
04.07.2023, 05:52
ATS
Ils s'appellent Steve, Johanna, Rayane ou Adrien. Tous étaient présent dans la capitale alsacienne lorsque des pillards s'en sont pris à un magasin Zara, une boutique Lacoste ou à l'Apple Store. Interpellés dans la foulée, ils comparaissent après deux nuits en garde à vue et une nuit en détention provisoire.
Steve, 37 ans, est chauffeur-livreur en CDI. Il est poursuivi pour vol. Sa concubine, Johanna, 29 ans, vendeuse sur une aire d'autoroute, est à ses côtés dans le box vitré. Elle répond de complicité de vol.
«Un tiers des 3.200 personnes» interpellées sont «des mineurs»
Quelque 3.200 personnes ont été interpellées entre mardi et dimanche, dont 60% n'étaient pas connues de la police, a indiqué lundi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
03.07.2023
«Je ne sais pas ce qui m'a pris»
Vendredi, le couple était venu se balader en centre-ville. Steve a ramassé des vêtements neufs qu'un pillard avait abandonnés sur la chaussée. Il en a distribué à Johanna et à sa fille, ainsi qu'à des passants.
«C'était un acte hautement éducatif et pédagogique pour votre fille», raille le président du tribunal, Philippe Schneider. «Je ne sais pas ce qui m'a pris», répond le prévenu. «Je sais, c'est un mauvais exemple. J'ai fait une erreur».
«Dans cette affaire, on vole en famille. Quel exemple!», attaque le procureur Alexandre Chevrier. Il requiert six mois d'emprisonnement ferme pour Monsieur et quatre mois de détention à domicile sous bracelet pour Madame.
«Ces gens ne détruisent pas, ne cassent pas», souligne l'avocate, Laure Fitoussi. «On est sur une scène jamais vue, extraordinaire, qui amène des gens insérés à avoir des comportements incohérents. Mais dans un contexte plus normal, nous n'aurions jamais eu des peines requises aussi lourdes», estime-t-elle, réclamant une peine de semi-liberté.
De fait, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a réclamé une réponse «rapide, ferme et systématique» après les émeutes consécutives à la mort de Nahel. Le tribunal suit les réquisitions du parquet. Steve repart en détention pour six mois, sa compagne portera un bracelet électronique jusqu'à l'automne.
Une «grosse connerie»
Dossier suivant. Adrien a 19 ans, il reconnaît avoir fait une «grosse connerie» en renvoyant vers les policiers un palet de gaz lacrymogène projeté par les forces de l'ordre. Il s'est légèrement brulé à la main au passage. Face aux pillages, «pourquoi vous restez?», l'interroge M. Schneider.
- «Je sais pas trop. L'effet de groupe je pense».
- «A quel moment vous vous servez de votre cerveau?». Pas de réponse du jeune homme.
- «La foule se jette dans l'eau, vous vous jetez aussi?»
- «Oui». Le prévenu admet que les policiers n'ont fait «que leur travail», qu'il a «rajouté de l'huile sur le feu».
«Il fait partie des émeutiers», soutient le procureur. «Quand on lance un projectile, on prend le risque de blesser grièvement. Socialement, ce comportement n'est pas acceptable». Il demande douze mois d'emprisonnement à l'égard du jeune homme, dont six ferme.
«A contexte exceptionnel, peines requises exceptionnelles. Mais le code pénal reste le même», se répète Me Fitoussi, qui préfèrerait des travaux d'intérêt général. La sanction tombe. Relaxé des faits d'attroupement avec arme, Adrien est condamné pour violence à douze mois de prison, dont quatre ferme. Mandat de dépôt, le bruit des menottes résonne dans la salle.
Un «gros paquet de vêtements»
Rayane, 26 ans, est entré dans le magasin Zara. Il en est ressorti «avec un gros paquet de vêtements sous le bras», remarque le président, vidéosurveillance à l'appui.
- «Vous avez pris le temps de prendre des vêtements à votre taille?» demande le magistrat. Réponse négative de l'intéressé. «Vous comptiez en faire quoi?»
- «Rien».
Le prévenu souligne quand même qu'il n'a commis aucune dégradation. «C'était un vol opportuniste: c'était cassé, j'ai pas réfléchi, je suis entré». Compte tenu de ses dix mentions au casier, le procureur requiert 10 mois ferme, «pour prévenir le renouvellement des faits».
Malgré les contestations de l'avocate, qui réclame une peine «proportionnée aux faits» pour un jeune qui n'a «plus rien fait depuis cinq ans, qui travaille», les juges suivent les réquisitions. Rayane repart en prison.