Scène d'horreur «C'était pire»: une visite en réalité virtuelle de Hiroshima

AFP

19.5.2023 - 09:40

Dans une rue ensoleillée de Hiroshima (ouest du Japon), un touriste regarde autour de lui mais, au lieu de voir une rive animée, il est confronté à une scène d'horreur, avec des corps en feu et des flammes qui s'élèvent.

Ce qu'il voit fait partie d'une visite en réalité virtuelle permettant aux visiteurs de découvrir la ville comme elle était avant, pendant et après l'attaque nucléaire du 6 août 1945.

L'expérience peut être éprouvante, mais Hiroshi Yamaguchi, dont la société a récemment commencé à proposer ces visites, pense qu'elles peuvent aider les gens à mieux comprendre la réalité du bombardement atomique, ainsi que la ville qui existait avant.

«Je pense que même certains habitants de Hiroshima ne savent pas que ce qui est aujourd'hui le parc de la paix était autrefois une véritable ville où des gens vivaient», explique à l'AFP M. Yamaguchi, 44 ans. 

«En le voyant non seulement en photographie, mais aussi en l'expérimentant de manière immersive, c'est plus facile à comprendre».

La visite commence par ce qui est aujourd'hui la maison de repos du parc, qui était utilisée par le syndicat de rationnement du carburant lors de l'attaque. 

Elle se trouvait à 170 mètres de l'hypocentre, et les 37 personnes qui s'y trouvaient à l'époque ont toutes été tuées, à l'exception d'une seule, parmi les 140.000 personnes ayant péri lors du bombardement et de ses conséquences.

«Soudain, le son de l'avion et le flash»

Le seul survivant se trouvait au sous-sol et la visite est basée en partie sur ce qu'il a vu lorsqu'il est sorti et sur les scènes qui l'ont ensuite hanté.

La société de M. Yamaguchi, Tabimachi Gate Hiroshima, a travaillé avec des archives du musée de la paix et d'un journal local, ainsi qu'avec les témoignages de survivants, pour créer des séquences d'images virtuelles pour cinq arrêts autour du parc de la paix.

Les participants marchent le long d'un itinéraire en portant des casques spéciaux qu'ils enfilent à chaque arrêt, ce qui leur permet de découvrir la zone telle qu'elle était avant la bombe, pendant l'attaque et après la reconstruction.

La visite, qui dure une heure et qui est suivie d'un temps de discussion, a été lancée pendant la pandémie et, jusqu'ici, elle a surtout été proposée à des groupes comme des entreprises. 

Sergio Wang, un Brésilien de 64 ans, dit qu'il a trouvé la visite «impressionnante». «Quand ça commence, il y a deux personnes sur le pont et soudain (...) le son de l'avion apparaît et le flash, comme si la bombe explosait».

«Je pense que c'est saisissant car je n'ai jamais rien vu de tel et vous pouvez voir autour de vous, vous pouvez inspecter ce que vous voulez», ajoute-t-il.

En deçà de la réalité

«J'ai pu me faire une idée précise de ce que c'était», renchérit Megumi Tabuchi, habitante de Hiroshima qui s'est installée dans la ville il y a trois ans. «C'était très vivant», ajoute cette sexagénaire. 

Selon M. Yamaguchi, certains ont trouvé l'expérience trop immersive et ont interrompu la visite. 

Mais les enfants, à qui on propose une version différente, semblent souvent mieux s'identifier à la réalité virtuelle qu'à des images statiques du passé. 

«Je voulais montrer qu'il y avait eu un avant, qu'il y avait eu une ville et qu'elle avait été reconstruite par de nombreuses personnes», explique M. Yamaguchi, un descendant de hibakusha (survivant de la bombe).

Avant de lancer les visites, il a demandé à Hiroshi Harada, lui-même hibakusha et ancien directeur du musée de Hiroshima, de faire l'expérience. 

M. Harada lui a dit que les images ne pouvaient pas capturer ce qui est resté en lui des décennies après avoir vécu l'attaque nucléaire: l'odeur des êtres humains en train de brûler et de se décomposer. 

Il a regardé le film et m'a dit: «Ce n'était pas comme ça. C'était pire».