Le coup d'envoi a été donné vendredi soir au carnaval de Rio, le «plus grand spectacle de la Terre», une féérie de danse et de musique de retour après deux ans d'absence douloureuse due au covid-19.
L'école de samba Imperatriz a été la première à s'engager sur l'avenue de 700 mètres longée de gradins bondés, avec ses chars monumentaux dorés et ses quelque 3000 danseurs et percussionnistes aux costumes blancs et argentés.
Tout au long de la nuit, six écoles de samba se sont succédé, puis six autres dans la nuit de samedi à dimanche, à la conquête du titre de championne et de la gloire, après une fête somptueuse, débridée, irrévérencieuse.
Cette année le carnaval a une saveur toute particulière. «L'émotion est très forte. Avant je défilais avec ma grand-mère, mais elle est morte du covid», a dit à l'AFP Gabriel de Souza Lima, un producteur de 22 ans dans son costume argenté, avant de s'élancer sur le sambodrome avec Imperatriz.
Drame national
L'annulation du carnaval l'an dernier en raison de la pandémie avait été vécue comme un drame national par les Brésiliens, tant il est dans l'ADN de tout un peuple fou de samba. Le Covid-19 a fait du Brésil le 2e pays le plus endeuillé au monde derrière les Etats-Unis avec plus de 660'000 morts et a plongé le pays dans la récession.
«Après toute cette tragédie, nous devons célébrer la vie», dit, sourire éclatant et costume de paillettes, une danseuse d'Imperatriz, Thelma Fonseca, 43 ans. «Cela fait deux ans que nous attendions ce carnaval. Notre école est en fête, nous sommes très heureux», ajoute cette employée dans la logistique.
L'édition 2022 se tient avec deux mois de retard sur le calendrier, le variant Omicron ayant donné des sueurs froides aux autorités et organisateurs, qui ont préféré repousser la fête géante.
La fête a commencé
Sans avoir totalement disparu, le Covid a fortement reculé au Brésil. La fête a donc pu commencer, mais a été endeuillée par la mort d'une fillette de 11 ans vendredi, deux jours après avoir été écrasée par un char à la sortie du sambodrome.
«Sans le carnaval, Rio ne serait pas Rio», avait exulté mercredi son maire, Eduardo Paes, en déclarant ouvert «le plus grand spectacle de la Terre». Chaque école doit défiler, au rythme de batteries assourdissantes, sur un thème souvent contestataire et ancré dans l'actualité.
Huit des 12 écoles qui représentent l'élite du carnaval ont choisi cette année un thème lié à la lutte antiraciste et aux racines africaines de la samba. Celle de Salgueiro a présenté lors de cette première nuit son défilé «Résistance», inspiré du mouvement de contestation «Black Lives Matter», aux Etats-Unis.
Toute une économie
Le carnaval apporte une manne à la «Ville merveilleuse», où il génère 45'000 emplois et 4 milliards de réais (environ 800 millions de francs) de revenus. Lors de la dernière édition, en 2020, Rio avait reçu plus de 2,1 millions de touristes. Cette année, même si les étrangers sont moins nombreux, l'hôtellerie annonce un taux d'occupation de 85%.
Proche des évangéliques qui ont favorisé son accession au pouvoir, le président Jair Bolsonaro ne goûte pas le carnaval, et il devrait être la cible de critiques des écoles de samba – presque toutes issues des favelas – en cette dernière année de mandat.
«Le carnaval c'est une manifestation politique et antifasciste», a déclaré Nairobi Coelho, 43 ans, administratrice dans le secteur pétrolier, avant de défiler.
«Après deux ans d'isolement, ce carnaval à un goût spécial, celui d'une victoire de la science qui a mis au point un vaccin contre le virus et de l'espoir d'un changement de gouvernement en cette année électorale», explique-t-elle.