«Une histoire d'amour» Cette petite cabane qui fait partie de la famille 

Valérie Passello

14.5.2021

Pendant 35 ans, Jacques Amiguet a pris soin du refuge de Chalin, perché à 2595 mètres sur le tour des Dents du Midi. Aujourd'hui, il passe la main à son fils Olivier. Et la troisième génération est déjà motivée à perpétuer la tradition. Retour sur 35 années de bonheur, de rencontres et de labeur.   

Valérie Passello

14.5.2021

Après 35 ans en tant qu'intendant du refuge de Chalin, Jacques Amiguet passe le relais à son fils Olivier.
Après 35 ans en tant qu'intendant du refuge de Chalin, Jacques Amiguet passe le relais à son fils Olivier.
Valérie Passello

«Le refuge de Chalin, c'est une histoire d'amour»: à peine a-t-on le temps de s'assoir dans le salon de Jacques Amiguet que nous voilà prévenus. Modeste, avec sa capacité de six à huit places maximum, le petit bâtiment accroché au rocher n'en occupe pas moins une énorme place dans le coeur de Jacques. Et de toute sa famille, d'ailleurs. «C'est sûr, il fait partie de ma vie», sourit-il, malicieux. Son fils Olivier acquiesce: «Nous en entendions toujours parler à la maison. Et nous y avons passé de très bons moments.»

Membre de la section Chaussy du Club Alpin Suisse, Jacques Amiguet n'a pas ménagé ses efforts pour entretenir le lieu depuis 1986, portant du matériel jusqu'en haut, rénovant ce qui devait l'être, tenant «en ordre» le refuge. «Quand on monte, il y a toujours quelque chose à faire, raconte-t-il. Je dois dire que j'ai eu la chance d'avoir une équipe de collègues et de copains fidèles pour me donner des coups de main.»

Un peu trop de fondue

Pas facile de faire une sélection parmi les bons souvenirs. Mais Jacques Amiguet a pris des notes: «Lorsque nous sommes montés ensemble pour la première fois, Olivier avait huit ans, se remémore-t-il. Le vent a soufflé très fort pendant la nuit et la cabane tremblait de partout. Le matin, mon fils était persuadé qu'elle avait avancé de 20 centimètres!»

Une autre anecdote lui revient: «Un jour, je suis allé à Chalin avec avec Charly Sauge, un membre d'honneur de la section. Nous avions prévu de faire quelques travaux ensemble.» Son ami avait pris soin d'emporter deux paquets de 400 grammes de fondue, au cas où quelqu'un les rejoindrait au refuge. «Comme il n'est personne venu, nous avons tout mangé à deux!», rigole l'amoureux de la montagne.  Inutile de dire que, l'estomac un peu lourd, les deux compères ont fait l'impasse sur le dessert et même sur le petit déjeuner du lendemain. 

En 35 ans, peu de mauvaises expériences sont à signaler. À part le vol de la caisse, à deux reprises, ainsi que la disparition de la girouette au-dessus de la cheminée, qui a été dérobée un mois seulement après son installation. «Pour un refuge non gardienné, ce n'est pas trop mal. Globalement, les gens sont respectueux», relativise Olivier Amiguet.

Connu comme le loup blanc

Jacques Amiguet voulait s'arrêter après 20 ans, puis il s'est accordé cinq années supplémentaires et ainsi de suite, jusqu'à cumuler 35 ans au service de la petite cabane. Aujourd'hui, son fils, guide de montagne, va reprendre le flambeau. Olivier Amiguet relate: «Quand je me présente, on me dit 'ah, tu es le fils de l'intendant de Chalin'. Tout le monde connaît mon père, qui s'est fait des amis dans toute la vallée.»

Au fil de ses innombrables montées et descentes, Jacques a en effet pris l'habitude de s'arrêter chez certains habitants du coin pour «boire un petit verre» ou «partager un bout de lard». 

Jovial et sociable, l'homme apprécie aussi la solitude, notamment pour admirer la flore des Alpes, évidemment «unique» à Chalin. «C'est ce qui me manquera le plus quand je n'arriverai plus à monter, mais j'espère pouvoir faire encore quelques ascensions», dit-il.

«Grand-papa, je reprendrai après toi»

Pour assurer l'entretien d'un tel lieu, l'idéal est d'y passer environ toutes les deux semaines en saison (le refuge est inaccessible en hiver), sans compter les grosses journées, comme la «corvée bois», chaque deux ans, ou les travaux plus conséquents, tous les cinq ans environ. «Cela représente en tout cas une dizaine de jours par année en travail réel», estime Olivier Amiguet. Lui-même est le papa de deux fils, dont l'un, Marius, a aussi attrapé le virus de Chalin. 

Jacques confie: «Quand il était petit, Marius m'a dit: 'Grand-papa, je reprendrai le refuge après toi'.» Et Olivier confirme: «Je l'ai questionné à ce sujet et il est toujours intéressé. Du coup, je fais l'intérim. Comme nous sommes tous attachés à cette région et à ce refuge, il est logique de poursuivre cette jolie histoire.»