Genève Erwin Sperisen condamné à 14 ans de prison pour complicité d'assassinat

tb, ats

12.9.2024 - 18:25

La justice genevoise a condamné jeudi Erwin Sperisen, ex-chef de la police du Guatemala, à 14 ans de prison pour complicité d'assassinat. En 2006, sept détenus avaient été exécutés lors d'une opération des forces de l'ordre dans un pénitencier guatémaltèque.

S'exprimant à la sortie de l'audience, Erwin Sperisen a déclaré avoir accueilli le verdict «sans surprise».
S'exprimant à la sortie de l'audience, Erwin Sperisen a déclaré avoir accueilli le verdict «sans surprise».
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Keystone-SDA, tb, ats

«Les victimes étaient placées sous votre protection», a relevé la présidente de la Chambre d'appel et de révision de Genève, s'adressant à Erwin Sperisen. «Ces victimes sans défense ont été abattues de façon lâche et brutale», a-t-elle ajouté. Pour le tribunal, le rôle d'Erwin Sperisen a bien été celui d'un complice.

Le tribunal a qualifié la faute d'Erwin Sperisen de gravissime. Il lui a reproché de se poser encore aujourd'hui en victime et de persister à nier toute responsabilité. «Vous vous êtes donné l'image d'un redresseur de torts», a indiqué la présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision.

Les juges ont suivi en tout point les réquisitions du premier procureur Yves Bertossa, qui avait demandé 14 ans de prison. Ils ont tenu compte du temps écoulé pour réduire la durée de peine, estimant que dans cette procédure, ouverte en 2012, le principe de célérité avait été violé.

Les juges ont considéré que les témoins étaient spécialement crédibles. Selon la Cour, Erwin Sperisen était au courant des agissements du commando qui a liquidé les détenus. Les forces de l'ordre avaient pour mission de reprendre le contrôle de la prison de Pavon, qui était devenu un centre névralgique du crime organisé.

Plan de dernière minute

Un plan B avait été mis au point à la dernière minute. Ce changement a permis au groupe de tueurs, composés de policiers et de civils, d'entrer en premier dans le pénitencier, d'avoir «le champ libre», selon les mots du tribunal. Erwin Sperisen, en sa qualité de chef de la police, ne pouvait l'ignorer, ont estimé les juges.

Le tribunal a reproché à Erwin Sperisen sa passivité lors de l'opération. Jamais, il n'a posé de questions sur ces sept détenus qui avaient prétendument trouvé la mort lors d'une fusillade. Il ne s'est pas non plus étonné de la présence de civils au sein du commando. Il n'a pas non plus ordonné «d'enquête sérieuse».

Condamné mais libre

Erwin Sperisen, qui a été privé de liberté pendant plus de onze ans, entre la durée passée en détention préventive, les peines de prison et l'assignation à résidence, est ressorti libre du Palais de justice. Il se dit innocent. S'exprimant à la sortie de l'audience, il a déclaré avoir accueilli le verdict «sans surprise».

«C'est la même chose pour la quatrième fois», a-t-il ajouté, faisant référence à ses quatre procès perdus depuis 2014. Erwin Sperisen a déploré que le Ministère public ne se soit jamais rendu sur place au Guatemala, pour se faire une idée de la situation. Les institutions sont différentes qu'ici en Suisse, a-t-il souligné.

Giorgio Campa et Florian Baier, les avocats d'Erwin Sperisen, ont annoncé un recours au Tribunal fédéral contre ce jugement de la Chambre pénale d'appel et de révision. «La justice genevoise persiste et signe», ont-ils souligné. Elle n'a pas eu le courage «de se remettre en question».

Erwin Sperisen, 54 ans, est double national suisse et guatémaltèque. Il s'est réfugié en Suisse avec sa famille en 2007. Il a été arrêté à Genève en 2012. Depuis, il a été jugé à quatre reprises par la justice genevoise qui l'a condamné à chaque fois. Ses avocats ont porté l'affaire jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme.