Carnet noirDécès de l'ex-star du disco Patrick Juvet
ATS
1.4.2021 - 19:30
01.04.2021, 19:30
01.04.2021, 22:40
«Où sont les femmes ?» et «I love America» vont resurgir dans les play-lists: le chanteur vaudois Patrick Juvet, star du disco dans les années 70, est décédé à l'âge de 70 ans, a annoncé à l'AFP jeudi son agent Yann Ydoux.
Le corps de l'artiste a été retrouvé dans un appartement à Barcelone. Les causes du décès ne sont pas encore établies. «Il y aura une autopsie, je l'avais eu au téléphone il y a trois jours, je l'avais trouvé bien», a indiqué son agent.
«C'est très triste», a déclaré à l'AFP Amanda Lear, qui le connaissait bien. «Nous avons pratiquement débuté ensemble au début de la période disco. Je me souviens d'un duo en jumelles pour les Carpentier (show TV de variété célèbre des années 1960 à 1980) sur la chanson des 'Demoiselles de Rochefort'».
«Ça avait fait jaser à l'époque car il assumait le fait d'être efféminé, avec les cheveux longs et très maquillé comme Bowie», poursuit-elle.
«Prisonnier de ses tubes»
Le Vaudois, né en 1950 à Montreux, avait représenté la Suisse au Concours Eurovision de la chanson en 1973 avec «Je vais me marier Marie», sur un texte de Pierre Delanoë. Parmi ses autres succès figure «Rappelle-toi minette», sorti une année plus tard.
«Il en était très frustré. Il n'était pas très heureux. Il s'était retiré en Espagne, car la France le boudait un peu. Il vivait à Barcelone. On s'est vus la dernière fois là-bas. Il ne buvait plus. Il me disait qu'il essayait de s'en sortir».
Compositeur pour Cloclo
L'artiste, né en 1950 à Montreux (VD), s'était formé au piano au conservatoire de Lausanne, puis avait travaillé comme mannequin. Au début des années 1970, il débarque à Paris et se fait d'abord connaître en composant des chansons, notamment «Le lundi au soleil» pour Claude François, rappelait-il dans une interview au Journal de Saône-et-Loire en 2013.
Eddie Barclay lui met alors la pression: «Soit tu fais un tube, soit tu rentres chez toi en Suisse !» Ce sera «La musica» en 1972. En 1973, il représente la Suisse au Concours Eurovision de la chanson avec «Je vais me marier Marie», sur un texte de Pierre Delanoë. Parmi ses autres succès figure «Rappelle-toi minette» (1975).
Succès et polémique
«Où sont les femmes ?», à l'immense succès, figurait sur «Paris by Night», album de 1977. Cet album est le fruit de la collaboration entre Juvet (compositeur et interprète) et Jean-Michel Jarre (parolier).
A la sortie de ce titre, Juvet avait reçu de nombreuses lettres d'insultes du Mouvement de libération des femmes (MLF) pour des paroles jugées trop sexistes. On y entendait notamment «Elles ne parlent plus d'amour/ Elles portent les cheveux courts/Et préfèrent les motos aux oiseaux/Elles ont dans le regard/Quelque chose d'un robot...»
«I Love America», autre carton sur les dancefloors (1978), est lui né de la rencontre de Juvet, installé aux Etats-Unis, avec des producteurs réputés du genre, Henri Belolo et Jacques Morali, et a été cosigné avec Victor Willis, pilier des Village People.
Un choriste nommé Balavoine
Chose peu connue du grand public, Daniel Balavoine a débuté sa carrière comme choriste pour Juvet.
Les années 1990 ont été une traversée du désert pour Juvet, qui a sombré dans diverses addictions comme il le contait lui-même dans les médias.
La tournée «Age tendre et tête de bois», à partir des années 2000 l'avait remis sous les projecteurs. Dans cet «all-star» des vedettes populaires, on retrouvait à ses côtés des artistes tels Dave, Sheila, Michèle Torr ou encore Stone et Charden.
«Quand je l'ai retrouvé pour cette tournée, il sortait d'une passe difficile, a expliqué à l'AFP Christophe Dechavanne, producteur de la tournée. Ce métier est difficile quand on n'est pas sans arrêt au top. J'ai eu le plaisir de le voir reprendre un immense goût pour la vie et la scène. Il faisait attention à lui avec un régime. J'ai assisté avec bonheur à tout ça».
«Patrick avait encore pleins de projets, notamment un nouvel album en tant que compositeur», a ajouté son agent.
Patrick Juvet, un homme d'une grande simplicité et gentillesse
Patrick Juvet était quelqu'un de «simple et sans chichis». «J'étais frappé par sa bonhomie, sa gentillesse et sa disponibilité, notamment pour signer des autographes à ses fans», a confié Bernard Pichon.
«Je l'ai reçu quatre ou cinq fois dans des émissions, notamment pour les Oiseaux de nuit. Il a participé à une soirée spéciale consacrée aux chanteurs suisses, où il y avait aussi Henri Dès, Michel Bühler et Pascal Auberson. J'ai remarqué un peu de jalousie dans le regard des autres, car il était le seul qui marchait à l'international», a expliqué jeudi soir à Keystone-ATS l'ancien animateur de radio et de télévision.
Patrick Juvet était un mélodiste. Il a écrit des tubes pour les autres, notamment pour Claude François. «Deux jours avant sa mort, le chanteur français était venu à Villars pour enregistrer une émission, où il y avait aussi Patrick Juvet», se souvient M. Pichon.
Le chanteur vaudois avait ses inconditionnels et certaines de ses chansons lui survivront. «Mais il a eu aussi son côté sombre, sa descente aux enfers avec des excès d'alcool et de drogue», ajoute Bernard Pichon. Fait amusant, «il n'avait jamais perdu son accent vaudois, même sur les plateaux parisiens».