Quid de l'éthique? Des employeurs paient la congélation d'ovocytes en Suisse

ceel, ats

24.11.2023 - 07:33

En Suisse, certains employeurs ont commencé à payer les coûts de congélation d'ovocytes. Cette méthode permet aux femmes de planifier de manière plus flexible le moment de fonder une famille. Mais ce «service» ne va pas sans poser des problèmes du point de vue éthique.

La congélation d'ovocytes permet aux femmes de planifier de manière plus flexible le moment de fonder une famille (image d'illustration).
La congélation d'ovocytes permet aux femmes de planifier de manière plus flexible le moment de fonder une famille (image d'illustration).
KEYSTONE/Michael Buholzer

Keystone-SDA, ceel, ats

Depuis octobre, l'entreprise pharmaceutique Merck en Suisse prend en charge les coûts lorsque des collaboratrices souhaitent faire congeler des ovocytes à titre préventif. «Le soutien à nos employés nous tient à cœur», selon Florian Schick, président de Merck Suisse. Selon lui, ce moyen contribue à mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.

En Suisse, il est jusqu'à présent rare que des entreprises prennent en charge la congélation et la conservation d'ovocytes, une technique qui coûte environ 10'000 francs. «Mais je peux m'imaginer que la tendance des Etats-Unis arrive en Suisse», estime Julia Schmid, une chercheuse dans ce domaine à l'Université de Zurich.

Atteinte à la vie privée

«Nous sommes plutôt sceptiques à la Commission nationale d'éthique (CNE)», déclare son vice-président Markus Zimmermann à l'agence Keystone-ATS. Le docteur en théologie redoute une forme de pression. Implicitement, une entreprise dit aux femmes qu'elles doivent plutôt privilégier leur carrière et repousser leur maternité. «Cela crée une attente», explique-t-il.

De plus, cela pourrait ralentir les efforts visant à mieux concilier famille et travail. Le responsable de Merck insiste lui pour rejeter de telles arrières-pensées.

Markus Zimmermann estime aussi qu'une telle offre constitue une immission trop importante dans la vie privée. "La maternité et le désir d'enfant sont des questions très personnelles. Il ne devrait pas y avoir d'incitations de l'employeur dans ce domaine, selon lui.

Cela donne également l'illusion que la congélation d'ovocytes est une garantie de grossesse ultérieure. Or, ce n'est pas le cas, met en garde M. Zimmermann. Selon Peter Fehr, spécialiste de la médecine reproductive à la OVA IVF Clinic Zurich, la congélation de 15 à 20 ovules a une probabilité de 80% d'aboutir à la naissance d'au moins un enfant.

Toujours plus d'ovocytes congelés

La congélation d'ovules sans raison médicale, appelée «Social Egg Freezing», augmente en Suisse. Chaque année, environ 30% de patientes supplémentaires ont recours à cette offre, relève M. Fehr.

Les chercheurs de l'Université de Zurich observent la même augmentation. Dans le cadre du projet de recherche «EEggg», Julia Schmid et son équipe étudient les aspects psychologiques de cette tendance. Un sondage est actuellement en cours jusqu'à fin novembre.

Les quelque 1000 réponses reçues jusqu'à présent montrent que les personnes considèrent cette méthode très positivement, selon Julia Schmid. De nombreuses femmes disent s'imaginer avoir recours à un tel procédé. «C'est un gros changement par rapport aux études précédentes», a déclaré la psychologue.

Se tranquilliser

La raison principale avancée pour faire congeler ses ovocytes n'est cependant pas la carrière. Mais l'absence d'un partenaire. Les aspects professionnels pourraient jouer aussi un rôle mais mineur. «Les femmes qui font congeler leurs ovules travaillent souvent à un taux d'au moins 80%», explique Mme Schmid.

En outre, de nombreuses femmes repoussent leur désir de maternité dans l'attente d'une situation de vie plus stable. La peur de la stérilité joue aussi un rôle. Mais au bilan, seul un petit nombre de femmes qui font congeler leurs ovocytes y ont recours pour tomber enceinte. La plupart n'en ont pas besoin.