«Une balle pour 150'000 roupies»Des milliers d'Indiens en quête d'un emploi en Israël
ATS
28.1.2024 - 09:34
«C'est mieux que d'avoir faim ici»: malgré le conflit au Proche-Orient entre Israël et le groupe islamiste palestinien Hamas, des milliers d'Indiens font la queue pour un emploi en Israël, en manque de main-d'oeuvre à cause de la guerre.
28.01.2024, 09:34
28.01.2024, 09:56
ATS
«Je sourirai et prendrai une balle, mais pour 150'000 roupies» (environ 1700 euros), lance à l'AFP Deepak Kumar dans un centre de formation et de recrutement de Lucknow, à 500 km à l'est de New Delhi. En Inde, c'est «travaille quatre jours, mange deux jours», déplore ce carreleur, qui dit connaître les risques d'un départ en Israël, où la guerre contre le Hamas fait rage depuis bientôt quatre mois.
Bien que l'Inde soit la cinquième économie au monde et l'une de celles où la croissance est la plus dynamique, des millions de personnes n'y trouvent pas d'emploi à plein temps.
Près de 22% des salariés indiens sont des «travailleurs occasionnels», avec en moyenne 7899 roupies (88 euros) de revenu mensuel, selon les données du gouvernement. En particulier dans le bâtiment et les travaux publics, où les interruptions de chantier ne sont généralement pas indemnisées.
10'000 Indiens recherchés
Alors, l'espoir d'être embauché comme ouvrier qualifié dans la construction en Israël est plus fort que le danger, avec la perspective de multiplier son salaire par 18. «Si c'est écrit qu'on doit mourir, on mourra là-bas. Au moins nos enfants auront quelque chose», lâche Jabbar Singh, un réparateur de motos. «C'est mieux que d'avoir faim ici», dit-il simplement.
Selon l'ambassade indienne à Tel Aviv, quelque 18'000 Indiens travaillent déjà en Israël, la plupart dans le domaine de l'aide à la personne, mais aussi dans le secteur du diamant, de l'intelligence artificielle ou des étudiants.
Mais la guerre a rebattu les cartes et de nouveaux profils sont recherchés: «des carreleurs, des plâtriers, des charpentiers, des cintreurs», énumère MA Khan, en charge du placement de travailleurs à l'institut de formation industrielle de Lucknow. Le conflit a en effet conduit au rapatriement de milliers de travailleurs venus d'Asie, à la mobilisation de nombreux réservistes israéliens et à l'abolition des permis de travail pour les travailleurs palestiniens.
Selon Raj Kumar Yadav, le chef de l'institut, les recruteurs israéliens recherchent aujourd'hui pas moins de 10'000 ouvriers qualifiés dans la construction, pour des salaires allant jusqu'à 140'000 roupies (1550 euros).
«Zone rouge»
«Ils leur donneront un visa et les prendront avec eux sur un vol charter», indique-t-il, et «10'000 familles seront nourries». Le programme est soutenu par les autorités indiennes, précise ce responsable, qui souligne qu'il offre une forme de sécurité à des candidats à l'émigration qui sinon risqueraient de tomber entre les mains de trafiquants d'êtres humains.
Le nombre de volontaires croît de jour en jour: «Le premier jour, on a eu environ 600 candidats, dont plus de 300 ont été retenus. Hier, c'était plus de 1000 candidats et plus de 750 retenus. Aujourd'hui, c'est de 1200 à 1300 candidats», souligne MA Khan.
Pendant que les chercheurs d'emploi font la queue à Lucknow, Israël intensifie 4500 kilomètres plus loin son offensive contre Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Israël s'est juré d'y anéantir le Hamas, qui a déclenché le 7 octobre sur son sol une attaque sans précédent qui a fait environ 1140 morts selon un comptage de l'AFP basé sur les chiffres israéliens. Le Hamas a aussi capturé quelque 250 otages.
Des dizaines d'ouvriers agricoles thaïlandais et népalais ont été tués ou pris en otage. De nombreux travailleurs étrangers ont fui après l'attaque, privant l'agriculture d'une importante source de main-d'oeuvre. Israël a également retiré leur permis de travail à 130'000 frontaliers palestiniens.
«Je sais que je vais dans une zone rouge. Mais je dois nourrir ma famille», résume à Lucknow Keshav Das, un père de deux enfants. «Sinon, mes enfants vont mourir de faim», souligne-t-il. «Il n'y a pas de travail ici.»