«Tout le monde aime l'argent. Je suis très économe», a déclaré lundi à la présidente du Tribunal criminel de Genève le prévenu de 53 ans accusé d'avoir tué sa voisine d'Onex en 2015. Il lui aurait notamment volé 40'000 francs et des bijoux.
D'après les experts psychiatres, l'homme a un rapport pathologique à l'argent. Selon l'acte d'accusation, il savait que sa voisine de 73 ans avait retiré cette somme ce fatidique 5 février 2015, ce qu'il a nié lundi en audience. Quelque 45'000 euros ont été retrouvés enroulés dans un socle d'escabeau dans la maison de sa soeur au Portugal.
Selon lui, cet argent lui appartenait: il avait profité d'un taux de change avantageux pour convertir des francs suisses en euros. Il ressort de l'instruction qu'il cachait aussi de l'argent dans des poulets congelés.
«Pas m'enrichir»
Le 5 février 2015, la septuagénaire a tenté à trois reprises de joindre son voisin en sortant de la banque. «J'ignore pourquoi. Elle avait l'air paniquée», a-t-il dit. Il l'aurait attirée chez lui, menottée et bâillonnée avant de l'étrangler. Il a ensuite abandonné son corps dans une zone boisée près de Nantua (F) et est revenu pour le brûler une semaine plus tard. Les restes ont été retrouvés en 2017.
Il avait voulu faire croire qu'elle était en vie en retirant de l'argent avec sa carte bancaire, vêtu d'une de ses vestes à capuche. S'il a multiplié les retraits bancaires de 1'000 francs, c'était pour qu'elle se bloque au plus vite, «pour ne plus l'avoir. Je n'avais pas l'intention de m'enrichir», a-t-il expliqué à la Cour.
Bruit de menottes
Selon lui, les deux se sont disputés en soirée. Après avoir livré différentes raisons au cours de la procédure, il a indiqué lundi que c'était parce qu'elle lui devait 3'000 euros et qu'elle avait eu un accrochage avec sa voiture. Il l'a poussée, provoquant sa chute, et elle s'est tapé la tête au pied du lit. Il l'aurait attachée à une chaise avec un pull pour qu'elle ne touche pas à ses affaires.
Un enregistrement effectué par le prévenu à ce moment fait entendre des bruits métalliques. L'homme conteste avoir utilisé des menottes ou un ruban adhésif, alors que la voix de sa voisine est bizarre. Selon lui, elle n'avait pas de quoi avoir peur: «A aucun moment, je ne voulais lui faire du mal.» Il ne se souvient pas de ce qui passé le soir de son décès.
«J'assume»
Les experts psychiatres sont arrivés à la conclusion que le prévenu est imperméable à la souffrance d'autrui et dans le déni de la gravité de ses actes. Considérant qu'il n'est pas soignable, ils préconisent l'internement. Le risque de récidive est de 50%. «Je ne suis pas malade du tout. Ma vie, c'était le travail. Je sais pourquoi je suis là, j'assume», a affirmé l'accusé.
Interrogé sur sa situation personnelle, il a expliqué avoir eu une enfance très dure au Portugal. Battu par sa mère, il a travaillé dès ses 13 ans. Selon lui, la victime était un peu comme sa mère, «mais en bien». Pour une amie de la septuagénaire, le prévenu avait de l'emprise sur elle. Deux soeurs de l'accusé ont dit qu'il profitait financièrement des personnes âgées. «Jalousie», a-t-il balayé.
Agent infiltré
A l'ouverture du procès, qui doit durer jusqu'au 3 avril, les avocats de la défense ont plaidé les questions préjudicielles. Le tribunal a rejeté tant celle contestant la qualité de partie plaignante de la soeur et du frère de la victime que celle portant sur les mesures employées pour découvrir la vérité, compte tenu du recours à un agent infiltré en prison.
«Ces mesures portent atteinte aux droits du prévenu de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination», a relevé Cécile Bocco, son avocate avec Eric Beaumont. «Le Ministère public n'avait pas d'autre choix que de faire appel à un agent infiltré pour retrouver le corps de la victime», a rétorqué le procureur Endri Gega.
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