Aussi en Suisse Droits des travailleurs: déclin plus rapide en Europe qu'ailleurs

ATS

12.6.2024 - 00:44

Alors que la démocratie est «en danger», l'Europe est la région où le respect des droits des travailleurs s'est le plus détérioré en dix ans, alerte la Confédération syndicale internationale (CSI). La Suisse n'échappe pas à la tendance et voit sa note se dégrader.

Selon la CSI, le modèle social européen "est activement démantelé par les gouvernements et les entreprises, à un rythme qui s'accélère, ce qui entraîne de lourdes conséquences" en Europe (image d'illustration).
Selon la CSI, le modèle social européen "est activement démantelé par les gouvernements et les entreprises, à un rythme qui s'accélère, ce qui entraîne de lourdes conséquences" en Europe (image d'illustration).
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Depuis la création en 2014 de l'Indice CSI des droits dans le monde, «c'est l'Europe qui connaît le déclin le plus prononcé», indique la Confédération dans ce rapport annuel publié mercredi, trois jours après des élections européennes marquées par une poussée de l'extrême droite.

Plus largement, «en cette année où quatre milliards de personnes se rendront aux urnes sur la planète, les groupes autoritaires de droite s'emploient à désigner des boucs émissaires (...) et à imposer leur propre programme hostile aux travailleurs. (...) La démocratie est en danger», s'alarme-t-elle.

Modèle social démantelé

Sur une échelle allant de 1 ("violations sporadiques des droits» des travailleurs) à 5 ("aucune garantie des droits"), «l'Europe, malgré sa réputation de porte-drapeau mondial pour les droits des travailleurs, a vu sa note moyenne passer de 2,56 à 2,73 entre 2023 et 2024», s'inquiète la CSI.

En 2014, le Vieux Continent affichait encore une note moyenne de 1,84, rappelle la Confédération, qui fédère 340 syndicats implantés dans 169 pays et territoires. L'"Europe» comprend aussi des pays non membres de l'Union européenne (Royaume-Uni, Suisse, Albanie...).

«Cette dégradation continue indique que le modèle social européen (...) est activement démantelé par les gouvernements et les entreprises, à un rythme qui s'accélère, ce qui entraîne de lourdes conséquences dans la région et risque de déclencher un nivellement par le bas à l'échelle mondiale pour les droits des travailleurs», poursuit-elle.

Amériques «meurtrières»

La situation des travailleurs est certes encore pire ailleurs: la région «Moyen-Orient et Afrique du Nord» enregistre ainsi une note moyenne de 4,74 en 2024, contre 4,25 en 2014.

Dans les Amériques, la note moyenne a dérapé de 3,16 en 2014 à 3,56 dix ans plus tard. Avec 16 assassinats de syndicalistes recensés, sur un total de 22 depuis la parution du dernier Indice, les Amériques restent «la région la plus meurtrière» de la planète pour les travailleurs et leurs représentants.

Atteintes «régulières» en Suisse

Si aucun assassinat n'a été recensé en Europe en 2023-2024, deux pays du Vieux Continent ont vu leur note dégradée par la CSI. La Suisse, accusée de «violations réitérées» en 2023, est désormais considérée comme coupable d'atteintes «régulières» aux droits des travailleurs. Elle passe de la note 2 à 3 sur l'échelle de notation de la CSI.

«Une tentative des dirigeants syndicaux d’obtenir une meilleure protection contre les licenciements antisyndicaux a échoué en décembre 2023, lorsque le Conseil fédéral a suspendu une médiation tripartite, sans explication», explique notamment la confédération syndicale dans son rapport.

Le ministre de l'économie Guy Parmelin avait mis en place cette médiation entre partenaires sociaux en 2019. Malgré les différentes pistes proposées, il est toutefois apparu qu'aucune entente n'était envisageable actuellement, a indiqué son département en décembre. Le DEFR a précisé que les partenaires sociaux peuvent reprendre le processus à tout moment. Guy Parmelin se tient à leur disposition.

Finlande épinglée

La Finlande est ainsi accusée de «violations réitérées» des droits des travailleurs en 2024, alors que la CSI ne lui reprochait en 2023 que des violations «sporadiques».

Helsinki a été sanctionnée «suite à la proposition, par la coalition de droite du Premier ministre Petteri Orpo, de réformes constituant une attaque sans précédent contre le modèle social nordique», explique la CSI. «Les réformes en question entendent limiter les grèves politiques à une journée, compromettent les négociations salariales et proposent de réduire les prestations de maladie et les allocations chômage», détaille-t-elle.

«Au cours de l'année passée», reproche le secrétaire général de la CSI, Luc Triangle, «nous avons observé dans les pays nordiques une certaine détermination de la part des gouvernements et des entreprises pour démanteler les piliers fondamentaux de la démocratie»: droit de grève, de manifestation, etc.

Du mieux en Roumanie

Selon la CSI, un total de 73% des Etats européens ont «violé le droit de grève» et «des travailleurs ont été victimes de violences dans 9% des pays» du Vieux Continent.

Pour Luc Triangle, «le modèle social européen se désagrège rapidement. Une crise démocratique s'opère dans la région, du fait que les syndicats, les droits des travailleurs et la démocratie sont étroitement liés».

Faible lueur d'espoir, la Roumaine voit sa note s'améliorer d'un cran. Elle est désormais accusée de violations «régulières» des droits des travailleurs et non plus «systématiques». Parmi les avancées constatées dans ce pays, «le droit de grève a été étendu et la négociation collective est désormais obligatoire dans les entreprises de plus de dix employés», se satisfait la CSI.