Duo jugé à Nyon Duo jugé à Nyon pour une tentative de vol de cuivre qui a mal fini

beke, ats

19.10.2021 - 15:03

Deux hommes accusés d'avoir tenté de voler près d'une tonne de cuivre sur des lignes CFF ont comparu mardi en première instance devant le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Côte, à Nyon (VD). L'un des prévenus est en outre poursuivi pour avoir supposément laissé son acolyte à son sort, après qu'il a été électrocuté.

Le procès s'est déroulé au Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Côte, à Nyon (VD).
Le procès s'est déroulé au Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Côte, à Nyon (VD).
ATS

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Les faits incriminés se sont déroulés à Eclepens (VD) dans la nuit du 20 au 21 juin 2020, entre 23h30 et 01h00. Selon l'acte d'accusation, le duo a tenté de dérober 960 kg de cuivre, d'une valeur de plusieurs milliers de francs.

Les deux complices présumés étaient occupés à couper des lignes de contact faites du métal rouge lorsque soudain, l'un d'entre eux a reçu une décharge électrique qui l'a envoyé à terre, plusieurs mètres plus bas, selon le Ministère public. Souffrant de graves brûlures et traumatismes, il était alors en danger de mort imminente, a conclu l'enquête de l'autorité de poursuite.

Malgré cela, l'autre prévenu aurait quitté les lieux sans lui prêter assistance, ni avertir les secours. En détention provisoire depuis février dernier, ce ressortissant bulgare âgé d'actuellement 29 ans doit répondre d'omission de prêter secours ainsi que, comme le deuxième accusé, de tentative de vol et de dommages à la propriété qualifiés.

Les travaux de remise en état des lignes ont coûté 19'287 francs, selon les CFF. L'entreprise ferroviaire a déposé plainte et s'est constituée partie civile, mais n'a pas assisté au procès.

Récits divergents

Mardi, à Nyon, les intéressés ont livré des versions totalement différentes aux juges. Le Bulgare a nié avoir participé à la tentative de vol ou avoir été présent lors de la chute de l'autre homme. «Je me trouvais à 300 ou 400 mètres de là et j'ai vu une grande lumière bleue», a-t-il déclaré par la voix de son interprète. Il a dit regretter de ne pas avoir pu en faire plus pour le blessé et d'avoir été «au mauvais endroit au mauvais moment».

Quand la présidente du tribunal lui demande pourquoi il n'a pas été en mesure de porter assistance au blessé, il répond avoir été «paniqué» et que son corps était trop lourd pour pouvoir le hisser dans une voiture. Il prétend être parti chercher un ami pour l'aider. Quant aux photos de lignes électriques retrouvées par la police dans son téléphone, élément soulevé par le procureur, le prévenu, d'abord surpris, explique ensuite s'être «promené dans des endroits comme ça» et avoir bu un café à la gare.

«Nous nous étions mis d'accord pour commettre ce vol», a rétorqué en français celui qui a été électrocuté. «A un moment, il m'a influencé pour monter plus haut sur l'échelle avec ma pince pendant qu'il était au sol. Ensuite, c'est le trou noir», a ajouté ce trentenaire né en Bosnie-Herzégovine et domicilié dans le canton de Vaud.

«Il n'est jamais revenu»

En chaise roulante car privé de l'usage de ses jambes suite à l'accident, il affirme avoir demandé au Bulgare de prendre les clés de sa voiture dans sa poche pour l'amener à l'hôpital. «Mais il est parti et n'est jamais revenu.»

Atteint à la moelle épinière, le maçon de formation raconte être resté sans pouvoir bouger ni possibilité d'alerter les secours durant cinq heures. «J'ai finalement réussi à glisser ma main dans ma poche pour sortir mon téléphone et appeler la police. Je leur ai envoyé ma localisation et la Rega est intervenue.»

La suite? Dix jours de coma artificiel au CHUV, puis deux mois d'hospitalisation. «Cela m'a pris six mois pour redevenir un peu moi-même.» Depuis, les cauchemars, les angoisses, les migraines et les douleurs insupportables le poursuivent. «J'aurais préféré la mort.» Il admet sans ambages la tentative de vol et a présenté ses excuses. «Je reconnais que ce n'était pas bien et je suis prêt à rembourser ma part le jour où je toucherai l'AI.» Célibataire, il perçoit pour le moment l'aide sociale.

Le Bulgare, lui, veut refaire sa vie dans son pays, où une femme et un fils de trois ans l'attendent. Au moment des faits, il faisait de l'import-export de voitures et bus, selon ses déclarations au cours de l'enquête.

«Culpabilité écrasante»

Durant son réquisitoire, le procureur a indiqué que le Ministère public n'avait «aucun doute dans l'implication du Bulgare dans la tentative de vol»: «Il est venu uniquement en Suisse pour commettre des infractions contre le patrimoine.» Il faut être deux pour voler une telle quantité de cuivre, a-t-il souligné. Il a réclamé 36 mois d'emprisonnement sans sursis étant donné «l'absence de prise de conscience du prévenu» ainsi qu'une expulsion du territoire pour sept ans.

Concernant l'autre accusé, le représentant du Parquet estime que bien qu'il soit atteint dans sa santé, une peine ne serait «pas inappropriée», d'autant que son casier judiciaire n'est pas vierge. Il propose une peine pécuniaire de 90 jours-amendes à 20 francs avec un sursis de deux ans.

«Paralysé par la peur»

L'avocate du Bulgare a plaidé l'acquittement. Elle assure que son client n'a rien à voir avec la tentative de vol et que s'il était présent non loin de là avec son fourgon, c'était pour déplacer des machines. «Aucun élément ne permet de montrer qu'il était sur les lieux de l'infraction», a-t-elle avancé.

Il n'a pas appelé les secours parce qu'il ne parle pas français et était «paralysé par la peur». Il est allé chercher de l'aide, mais lorsqu'il est revenu, les secours étaient déjà arrivés. Son casier judiciaire est vierge, a-t-elle rappelé. Il a même tenté de dissuader le coprévenu, qui était le «cerveau de l'opération».

La défenseuse de ce dernier a, elle, sollicité une exemption de peine, invoquant l'article 54 du Code pénal qui prévoit cette possibilité «si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte». «Mon client a déjà été puni. Sa chaise roulante est sa prison à lui.» Le jugement sera transmis aux parties par courrier postal dans les cinq jours.