Accidents de montagne «Il faut parfois avoir le courage de faire demi-tour»

zd, ats

8.10.2023 - 09:48

Espace de liberté par excellence, la montagne séduit toujours plus de randonneurs et d'alpinistes qui profitent des étés à rallonge. Revers de la médaille, un nombre d'accidents mortels en hausse. Les experts misent sur la prévention et en appellent à la responsabilité de chacun.

Cinquante-huit personnes ont perdu la vie dans les montagnes suisses entre mai et fin septembre 2023 (ci-dessus, le Mont Rose).
Cinquante-huit personnes ont perdu la vie dans les montagnes suisses entre mai et fin septembre 2023 (ci-dessus, le Mont Rose).
KEYSTONE/LAURENT GILLIERON

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Cinquante-huit personnes ont perdu la vie dans les montagnes suisses entre mai et fin septembre 2023, selon un décompte de Keystone-ATS. «C'est évidemment 58 morts de trop, mais ce chiffre doit être mis en perspective avec la hausse de l’attrait de la montagne, en particulier depuis la pandémie», commente Jean-Christophe Sauterel, directeur prévention et communication à la police cantonale vaudoise.

Alexandre Briguet, chef du service opérationnel au sein de l'organisation cantonale valaisanne des secours (OCVS) abonde: «S'il n'est pas possible d'estimer le nombre de personnes en montagne, les retours réguliers de nos intervenants ou partenaires indiquent clairement que depuis plusieurs années, il y a de plus en plus de monde partout. Même les chasseurs, qui souvent n’évoluent pas dans des chemins pédestres 'classiques', nous parlent du nombre de personnes croisées même le soir tard sur des sentiers moins référencés».

Cette hausse, portée par des étés longs et chauds, se répercute sur le nombre d'opérations de secours, également en augmentation. Cet été, plus de 300 interventions en montagne ont été effectuées rien qu'en Valais, détaille Alexandre Briguet.

«Berceau de la randonnée»

Les données récoltées montrent qu'environ la moitié des accidents ont eu lieu en Valais. Cette répartition n'étonne pas les experts, le canton étant «un berceau de la randonnée et de l’alpinisme. J’aurais pensé voir plus de cas dans le canton des Grisons (5) qui est aussi un vrai paradis de la randonnée», remarque Alexandre Briguet.

La moitié des victimes comptabilisées étaient des randonneurs (29) et l'autre des alpinistes (29). Trente-neuf étaient des hommes et dix-neuf des femmes. Vingt-deux avaient moins de 40 ans, treize entre 40 et 59 ans et vingt 60 ans et plus. Les informations manquent pour trois victimes.

Ces données «sont à l’image de nos activités de sauvetage autant pour leur localisation que les informations sur les victimes», constate Alexandre Briguet. La proportion de victimes de 60 ans et plus, réputées habituellement plus raisonnables que leurs cadets, interpelle néanmoins Jean-Christophe Sauterel qui ne s'explique pas ce chiffre.

Toucher les touristes étrangers

«Montagne et lacs sont les deux derniers espaces de liberté où les gens pensent qu’ils peuvent agir sans règles», relève Jean-Christophe Sauterel. «On doit leur rappeler qu'il s'agit d'espaces pouvant être extrêmement hostiles et qui ne conviennent pas à tout le monde. En particulier dès 3000 mètres ou lors de l'ascension d'un 4000 mètres».

Pour diminuer le nombre d'accidents, les professionnels s'accordent à dire qu'il ne faut rien lâcher en matière de prévention, même si autorités, institutions et autres associations s'engagent déjà beaucoup, note Rolf Sägesser, responsable formation été au sein du Club Alpin Suisse (CAS). Alexandre Briguet estime qu'il «faudrait mieux cibler les touristes étrangers».

Selon les données, 28 des 58 victimes n'étaient pas domiciliées en Suisse. La majorité d'entre elles était des alpinistes. C'est «un vrai challenge de toucher ces touristes étrangers, notamment parce qu'ils n'utilisent pas les mêmes canaux médiatiques; il n'y a pas de solution toute faite et c’est bien les mêmes questions que nous nous posons en hiver face aux avalanches».

Se préparer avec soin

«La cause première d’accident est la chute. Dans certains cas, il y a une certaine dose de fatalité, on est au mauvais endroit, au mauvais moment», explique Alexandre Briguet. Dans d'autres cas, «c'est un enchaînement de conditions pas optimales qui mènent à une situation qu'on n'arrive plus à gérer, comme un petit manque de préparation, une surestimation de ses capacités, un matériel moins connu ou peu utilisé, un départ un peu tardif, un téléphone à moitié chargé».

Pour mettre toutes les chances de son côté, Rolf Sägesser, recommande une auto-évaluation objective des compétences personnelles, une planification comprenant un itinéraire de repli et un équipement complet, adapté et maîtrisé. «Il faut aussi parfois avoir le courage de faire demi-tour ou d'interrompre une randonnée en cas de surmenage ou de détérioration des conditions», notamment météorologiques.

Selon lui, en Suisse, «les indications de danger sont déjà très complètes, claires et compréhensibles, c'est plutôt que ces indications ne sont souvent pas lues ou sont ignorées».