Après quatre ans d'enquête tentaculaire, les juges d'instruction ont terminé leurs investigations sur les attentats du 13 novembre 2015, les plus meurtriers à avoir jamais frappé la France. Cela ouvre la voie à un procès qui s'annonce hors norme.
Cette étape était très attendue: les cinq magistrats antiterroristes chargés du dossier ont annoncé la clôture de cette procédure riche de 460 tomes dans laquelle plus de 1700 personnes se sont constituées parties civiles, a annoncé dans un communiqué le parquet national antiterroriste (PNAT).
Ceci ouvre un délai d'un mois pour les observations des parties et pour les réquisitions du PNAT, avant une décision finale des juges sur la tenue d'un procès, qui ne pourra pas se tenir avant un an au mieux, et dans lequel les parties civiles fondent beaucoup d'espoir.
«C'est une bonne nouvelle», a réagi auprès de l'AFP Jean Reinhart, avocat de dizaines de victimes et de l'association 13onze15 Fraternité-Vérité. Le procès dans ce dossier «est quelque chose que nous attendons avec une fervente nécessité pour la manifestation de la vérité».
«Réquisitoire monumental»
Le président de l'association Life for Paris, Arthur Dénouveaux, a estimé que l'enquête semblait «avoir bien exploré toutes les ramifications financières et organisationnelles», tandis que Gérard Chemla, avocat de la Fenvac, principale association de victimes en France, a dit s'attendre à un «réquisitoire monumental» sur un dossier de «près d'un million de pages».
«J'espère que cela permettra aux familles de connaître enfin la vérité, notamment sur les responsabilités directes et indirectes» dans ces attentats, a souligné Samia Maktouf, autre avocate de parties civiles.
Le 13 novembre 2015, neuf hommes avaient attaqué en plusieurs points la capitale française et Saint-Denis, aux abords du Stade de France, à des terrasses de restaurants et dans la salle de concerts du Bataclan, faisant 130 morts et plus de 350 blessés. Les attentats avaient été revendiqués par l'organisation Etat islamique (EI).
Encore des zones d'ombre
Au total, quatorze personnes, dont onze en détention provisoire, ont été mises en examen dans cette enquête. Parmi elles, Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des trois commandos djihadistes qui ont perpétré ces attentats, est incarcéré en France depuis trois ans et demi après avoir été arrêté en Belgique.
Six autres suspects, parfois présumés morts en Syrie ou en Irak comme les frères Fabien et Jean-Michel Clain, voix de la revendication de l'EI, sont pour leur part visés par un mandat d'arrêt.
Les investigations, qui ont permis de reconstituer une grande partie de la logistique des attaques, ont mis au jour une cellule djihadiste bien plus importante derrière ces attentats, avec des ramifications à travers l'Europe, essentiellement en Belgique. Le 22 mars 2016, acculée après l'arrestation d'Abdeslam, la cellule avait aussi frappé à l'aéroport et dans le métro de Bruxelles, faisant 32 morts.
Des questions demeurent toutefois, comme l'évocation d'une cible dans le XVIIIe arrondissement de Paris dans la revendication de l'EI ou le rôle exact de Salah Abdeslam, détenu à l'isolement à Fleury-Mérogis. A de rares exceptions, il est resté muré dans le silence. Il avait déposé les trois kamikazes du Stade de France le soir des attentats, avant d'abandonner une ceinture explosive, laissant penser qu'il devait lui aussi mener une attaque-suicide.
Alors que se profilait la clôture des investigations, les magistrats antiterroristes parisiens ont ouvert le 8 octobre une information judiciaire distincte contre les dirigeants du groupe EI, qui ont inspiré et revendiqué un grand nombre des attentats djihadistes commis en France ces dernières années. La justice a lancé dans ce cadre un mandat d'arrêt contre le calife autoproclamé de l'EI Abou Bakr al-Baghdadi et son bras droit, présumé mort, Abou Mohammed al-Adnani.
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