ProcèsEx-soldats japonais coupables d'abus sexuels sur une collègue
ATS
12.12.2023 - 10:08
Un tribunal au Japon a condamné mardi trois anciens militaires à deux ans de prison avec sursis chacun pour avoir agressé sexuellement une collègue en 2021. Cette affaire avait symbolisé le mouvement #MeToo dans le pays.
12.12.2023, 10:08
12.12.2023, 10:31
ATS
Ce jugement en première instance du tribunal de Fukushima (nord-est) est toutefois plus clément que les réquisitions du parquet. L'accusation avait réclamé deux ans de prison ferme à l'encontre des trois accusés.
L'ancienne soldate Rina Gonoi, 24 ans, avait provoqué une rare prise de conscience nationale au Japon l'an dernier en clamant haut et fort avoir été régulièrement harcelée et agressée sexuellement quand elle était dans l'armée.
Médiatisation rarissime
Devant l'immobilisme de sa hiérarchie et le rejet d'une première plainte devant la justice, la jeune femme avait décidé de rendre publique sa situation via les réseaux sociaux, une initiative rarissime au Japon.
Son appel au secours avait attiré beaucoup d'attention. Sous la pression, le ministère de la Défense avait rouvert le dossier et admis après une enquête interne que Mme Gonoi disait vrai. Des procès au civil et au pénal se sont ouverts par la suite.
Le volet pénal de l'affaire qui a été tranché mardi visait trois anciens militaires accusés d'avoir mimé en 2021 un rapport sexuel avec Mme Gonoi sous la contrainte, en la maintenant allongée, les jambes écartées, tandis que d'autres collègues masculins observaient la scène en riant.
Le tribunal de Fukushima les a condamnés pour attentat à la pudeur, le président de la cour qualifiant les faits d'"acte abject et malveillant» qui nie «la dignité de la victime».
Un jugement «positif»
Rina Gonoi s'est dite satisfaite du jugement, auquel elle a assisté. «Je ne voulais pas forcément voir des peines lourdes. Je voulais qu'ils (ses anciens collègues accusés, NDLR) comprennent vraiment que ce qu'ils avaient fait était un crime, de la violence sexuelle, et non quelque chose d'anodin comme ils le prétendaient».
Ce jugement «va être positif aussi pour la société japonaise», a-t-elle encore estimé. Ses révélations depuis 2022 ont incité plus d'un millier d'autres victimes – hommes et femmes – à dénoncer à leur tour des faits de harcèlement ou de violences sexuelles dans l'armée japonaise.
Mme Gonoi a été encensée par des médias étrangers comme la BBC et l'hebdomadaire américain Time comme une nouvelle figure japonaise du mouvement #MeToo. Ce dernier avait eu jusque là peu d'écho dans l'archipel.
Mais la lanceuse d'alerte a aussi été abondamment harcelée et insultée sur les réseaux sociaux nippons pour avoir rendu publiques ses accusations. «Il y a quelque chose qui ne va pas au Japon: les gens s'attaquent aux victimes plutôt qu'aux auteurs», déplorait-elle auprès de l'AFP en début d'année.
Réforme législative
Etre obligée de médiatiser son malheur était une solution de «dernier recours», avait alors assuré Mme Gonoi, se disant davantage «désespérée que courageuse». Il est très rare au Japon de voir des victimes de violences sexuelles s'exprimer publiquement, par peur de créer de l'embarras, mais aussi par crainte de ne pas être prises au sérieux et soutenues.
«Au Japon, les violences sexuelles sont stigmatisées et honteuses, ce qui fait hésiter les victimes à se manifester», a récemment rappelé à l'AFP Teppei Kasai, un responsable de l'ONG Human Rights Watch en Asie. Seulement 6% des victimes de telles agressions les signalent à la police, selon une enquête gouvernementale réalisée en 2021 citée par M. Kasai.
«Bien qu'il y ait encore des choses à améliorer» au sein de la société japonaise sur la question, le jugement de mardi dans le cas de Mme Gonoi «est un signe encourageant» montrant que ces crimes peuvent être punis, a-t-il ajouté.
En juin dernier, une réforme législative a par ailleurs clarifié et élargi la définition du viol dans le code pénal japonais, afin de faciliter les actions en justice en la matière.