Fraude à la Suva Des entrepreneurs devant la justice à Yverdon

gsi, ats

23.1.2023 - 16:59

La justice vaudoise a commencé à se pencher, lundi à Yverdon, sur une affaire impliquant de multiples arnaques à la Suva et une série de faillites frauduleuses. Les prévenus contestent quasiment tout.

Le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois se penche sur une affaire complexe, mêlant des accusations d'abus à la Suva et de faillites frauduleuses (archives).
Le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois se penche sur une affaire complexe, mêlant des accusations d'abus à la Suva et de faillites frauduleuses (archives).
ATS

Keystone-SDA, gsi, ats

A la tête de diverses entreprises actives dans le secteur de la construction, les deux principaux accusés auraient obtenu plusieurs centaines de milliers de francs de prestations indues de la part de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (Suva).

Une vingtaine d'accidents déclarés entre 2010 et 2016, concernant une dizaine d'employés et survenus sur divers chantiers en Suisse romande, sont listés dans l'acte d'accusation. Des accidents pour lesquels les entrepreneurs semblent avoir «sciemment donné de fausses informations» à la Suva, selon le Ministère public.

Les déclarations apparaissent litigieuses quant à la réalité de l'accident ou de la véritable incapacité de travail. Il ressort aussi de l'acte d'accusation que les salaires des «victimes» étaient régulièrement gonflés, afin d'augmenter le montant de la prestation. Dans certains cas également, l'employé ne travaillait pas dans l'entreprise qui avait transmis la déclaration à la Suva.

«Au courant de rien»

Lundi devant leurs juges, les deux principaux prévenus ont nié. Ces deux hommes, d'origine kosovare et au casier judiciaire déjà bien rempli (l'un d'eux se trouve en prison pour une affaire de drogue, tandis que l'autre a été détenu par le passé), sont aussi parfois revenus sur leurs déclarations faites en cours d'enquête.

«Je suis incapable de faire une déclaration de sinistre», a assuré l'un d'eux. «Je n'étais au courant de rien. Je ne sais pas pourquoi ma signature se retrouve sur cette déclaration. Il est possible qu'elle ait été imitée», a ajouté l'autre.

Malgré les questions insistantes de la présidente du Tribunal et du procureur, ils n'ont rien lâché. «Est-ce le fruit du hasard si un nombre incalculable d'accidents litigieux sont annoncés pour des personnes que vous connaissez, dont les trois quarts sont issues de votre famille?», a demandé le procureur Gabriel Moret à l'un des prévenus.

«Je n'ai jamais transmis la moindre fausse déclaration d'accident», a répondu l'entrepreneur. Un homme qui, entre 2000 et 2015, a annoncé 25 accidents dont il aurait lui-même été victime, recevant ainsi plus de 300'000 francs d'indemnités.

Du côté de la Suva, son avocate Fanny Darbellay a expliqué que les premiers soupçons dataient de 2011, mais qu'il avait fallu du temps pour «tisser les liens» entre les différents cas. «Cela montre que les auteurs connaissaient bien le système et ses failles», a-t-elle dit.

Faillites en série

En plus de ces accusations d'arnaques à la Suva, les deux prévenus et un complice (qui comparaît également à Yverdon) sont suspectés d'avoir orchestré une série de faillites frauduleuses.

Le procureur parle d'une forme de «routine»: les sociétés étaient rachetées pour une somme symbolique «dans le seul but de pouvoir ensuite disposer des actifs». Avant de laisser partir ces entreprises en faillite, les prévenus auraient mis la main sur les comptes bancaires, les véhicules ou le mobilier.

«Je ne savais pas comment devait fonctionner une entreprise», s'est défendu un prévenu. Celui-ci a néanmoins concédé que si cela n'était pas son intention «au début», il a ensuite pris l'habitude de laisser partir ces sociétés en faillite.

«Il n'y avait pas de conséquence, alors j'ai continué. Si on m'avait stoppé dès la première faillite, j'aurais arrêté», a-t-il déclaré.

Autres accusations

De nombreux autres délits se succèdent dans l'acte d'accusation. Plusieurs véhicules en leasing n'auraient pas été rendus, alors que les contrats avaient été résiliés. De même, du matériel de chantier loué n'aurait jamais été restitué. Des cotisations AVS n'auraient pas été versées à la caisse de compensation, tandis que des employés auraient travaillé sans titre de séjour.

Le procès se poursuit en tout cas jusqu'en fin de semaine.