Emmanuel Macron a rendu hommage mercredi dans le décor solennel de la cour carrée du Louvre à Pierre Soulages. Un «grand maître de la peinture», «un classique de son vivant» célébré dans le monde entier pour ses nuances infinies de noir et décédé à 102 ans.
Keystone-SDA
02.11.2022, 18:39
02.11.2022, 19:15
ATS
«Au fond, Soulages n'avait pas d'âge. Oui, Soulages est un classique ayant choisi le noir comme éditorial de la modernité», a lancé le chef de l'Etat, qui était accompagné de son épouse Brigitte, lors d'un hommage national épuré, là même où l'artiste fut célébré de son vivant, le Louvre.
«En ce jour, la Nation porte le noir du deuil mais Pierre Soulages nous a appris à y déceler la lumière. C'est le don universel et inaliénable qu'il nous a fait. Pour cela merci», a ajouté Emmanuel Macron devant le cercueil drapé d'une étoffe bleu nuit, la cour ornée de deux grands portraits du peintre en noir et blanc.
Au premier rang, son épouse Colette, 101 ans, qui a partagé sa vie pendant 80 ans et est arrivée, le pas lent, sous les applaudissements, ainsi que ses neveux et nièces avaient pris place.
Pour cet hommage au peintre d'un siècle, le gotha du monde des Arts était également réuni, dont de nombreux directeurs de musée (Louvre; Centre Pompidou; Musée Soulages à Rodez), le secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts, Laurent Petitgirard, le collectionneur François Pinault ou l'architecte Jean Nouvel.
Ouvert au public
Plusieurs centaines d'anonymes étaient également au rendez-vous pour cette cérémonie ouverte au public et assez rare. «J'aurais adoré le rencontrer pour comprendre d'où vient sa nécessité de peindre», a estimé Julie Merle, 23 ans, qui étudie à l'école du Louvre et s'intéresse à la peinture monochrome.
Avant Pierre Soulages, la cour carrée du Louvre avait accueilli les hommages nationaux du peintre Georges Braque en 1963, de l'architecte Le Corbusier en 1965 ainsi que celui de l'écrivain et homme politique André Malraux en 1976, a précisé le palais de l'Elysée.
Né le 24 décembre 1919 à Rodez (sud-ouest de la France) dans un milieu artisan qui a nourri son imaginaire, le peintre est décédé le 26 octobre d'une insuffisance cardiaque.
Fasciné par la préhistoire dès son plus jeune âge, l'artiste avait beaucoup travaillé au brou de noix avant de poursuivre avec ses grands aplats noirs de peinture à l'huile, qu'il raclait, grattait et modelait presque dans l'épaisseur de la peinture, faisant surgir des nuances de rouge, de bleu et des transparences inattendues.
Picasso et Chagall rejoints
Il avait basculé dans ce qu'il appelait «l'outrenoir» en 1979, alors qu'il peinait sur une oeuvre entièrement recouverte d'un noir épais, striée par hasard.
«J'aime l'autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité (...). Le noir a des possibilités insoupçonnées», disait l'artiste, qui a peint jusqu'à la fin de sa vie.
Pendant plus de 75 ans, il a tracé inlassablement son sillon, s'attirant la reconnaissance des institutions culturelles et du marché de l'art qui en a fait un des artistes français les plus cotés de son vivant. Une de ses toiles de 1961 a été vendue à 20,2 millions de dollars à New York en novembre 2021.
Il avait déjà eu les honneurs d'un hommage au Louvre en 2019, à l'aube de ses 100 ans. Jusqu'alors, seuls les peintres Pablo Picasso et Marc Chagall avaient eu ce privilège de leur vivant.