Guerre et intelligence artificielle Israël-Gaza, cas d'école des difficultés journalistiques

ATS

10.11.2023 - 20:37

Le conflit Israël-Hamas est un cas d'école des difficultés auxquelles se heurte le journalisme en termes de désinformation, a estimé la prix Nobel philippine Maria Ressa. Elle a présenté vendredi à Paris une charte internationale sur le journalisme et l'intelligence artificielle.

La prix Nobel a, entre autres, pointé «la propagande de tous les côtés» et la diffusion virale sur les réseaux sociaux «de mensonges qui peuvent mettre le feu aux poudres, déclencher la haine» (archives).
La prix Nobel a, entre autres, pointé «la propagande de tous les côtés» et la diffusion virale sur les réseaux sociaux «de mensonges qui peuvent mettre le feu aux poudres, déclencher la haine» (archives).
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«Ca fait 38 ans que je suis journaliste et je n'ai jamais connu une situation telle que celle que nous traversons», a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse au siège de Reporters sans frontières (RSF). «C'est une guerre d'information géopolitique, avec pour cible non pas les gouvernements mais les citoyens, chacun de nous qui portons un smartphone», a poursuivi la colauréate du prix Nobel de la paix 2021, en soulignant que les 18-25 ans étaient particulièrement visés.

A l'occasion du Forum de Paris pour la paix, Maria Ressa, distinguée aux côtés du Russe Dmitri Mouratov pour leur «combat courageux pour la liberté d'expression», est venue présenter la Charte de Paris sur l'intelligence artificielle (IA), qui vise à instaurer des règles éthiques communes.

Cette charte a été conçue par une commission réunie par RSF et présidée par la journaliste philippine. Elle comprend 32 spécialistes du journalisme ou de l'IA issus de 20 pays.

«Réalités séparées»

«Alors que se déroulent les violences au Proche-Orient, nous voyons le commencement des deep fakes (trucages sophistiqués réalisés grâce à l'IA, ndlr), et cela va empirer», a craint Mme Ressa. «L'IA générative peut créer des vidéos, de l'audio, on peut changer une image pixel par pixel, donc nous sommes vraiment dans des réalités séparées», a-t-elle poursuivi.

Au-delà de l'IA, le conflit Israël-Hamas illustre, selon elle, les difficultés auxquelles se heurtent les journalistes en raison de son caractère sensible. «C'est une période difficile pour les journalistes. Est-ce qu'on écrit 'le gouvernement de Gaza contrôlé par le Hamas'? Rien qu'écrire ça peut vous valoir des attaques. Et ça s'applique à une infinité d'autres phrases», a-t-elle jugé.

Elle a également pointé «la propagande de tous les côtés» et la diffusion virale sur les réseaux sociaux «de mensonges qui peuvent mettre le feu aux poudres, déclencher la haine». Selon elle, les effets des manipulations par IA sont particulièrement à craindre en 2024: «Au moins 54 pays vont voter lors d'élections importantes, une personne sur trois dans le monde (...) Nous sommes loin de pouvoir garantir l'intégrité des élections».

La charte sur l'IA comprend dix points. Elle stipule notamment que «le jugement humain doit rester central dans les décisions éditoriales».

ATS