Une belle histoire d'amitié «Je ne suis pas seule en Suisse» 

Valérie Passello

13.3.2021

L'une vient d'Afghanistan, l'autre est une Suissesse. Elles n'ont ni le même âge, ni le même parcours de vie. Mais leurs chemins se sont croisés et depuis, ces deux femmes sont liées par une belle amitié. Récit.

Alors que rien ne les prédestinait vraiment à se rencontrer, Nazanin (à g.) et Annie partagent aujourd'hui une jolie complicité. 
Alors que rien ne les prédestinait vraiment à se rencontrer, Nazanin (à g.) et Annie partagent aujourd'hui une jolie complicité. 
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Le café est servi, une assiette de douceurs trône au milieu de la table. Chez Annie, dans le Chablais vaudois, l'accueil est chaleureux et souriant. Ses sourires, Nazanin, 30 ans, les lui renvoie naturellement. Entre les deux, la complicité est manifeste. 

En 2015, Nazanin arrive en Suisse. Elle a alors 24 ans et un fils de huit ans. Comme elle bute sur le difficile apprentissage du français, on lui présente Annie, qui va lui apporter un soutien dans ce domaine. Et la jeune Afghane perçoit immédiatement «sa bonne énergie», comme elle dit. «En la voyant, j'ai pensé qu'elle avait l'air d'une gentille dame», se souvient Nazanin. 

Annie, rythmicienne et psychomotricienne retraitée, est engagée au sein de l'association «Elles Entr'aide», dont les membres sont des femmes qui viennent en aide à d'autres femmes, à différents niveaux. Après une formation ad hoc, les bénévoles accompagnent généralement les bénéficiaires pendant une année. C'est donc en vue d'un appui de français que la rencontre a lieu.

Enfermée dans le silence

Venue du centre de l'Afghanistan, pays en guerre depuis une quarantaine d'années, Nazanin a grandi au coeur d'un paysage montagneux «presque comme ici», décrit-elle. Mais sans en dévoiler davantage. La jeune femme a traversé trop de douloureuses épreuves. Si elle se dit prête, aujourd'hui, à raconter son parcours par écrit, elle ne parvient toujours pas à le verbaliser, surtout auprès d'inconnus.

«Même pendant les cours de français, je ne parlais presque pas. Je ne répondais jamais aux questions du professeur, je ne discutais pas avec les autres élèves. Je pense que je n'ai rien dit pendant près d'une année», témoigne Nazanin. Annie se rappelle: «Au début, c'était difficile, je me suis questionnée. Mais je voyais ses progrès en français et une réelle envie d'avancer afin de trouver, un jour, du travail.»

Au fil des leçons d'appui et des exercices de français, le lien s'enrichit, la confiance s'installe. «Je crois que j'ai été touchée par son histoire. Et peut-être que notre différence d'âge a contribué à créer une relation particulière», analyse Annie. Nazanin enchaîne: «Quand elle est là, je me sens en famille, comme si j'avais trouvé une deuxième maman. Grâce à elle, je ne suis pas seule en Suisse», se réjouit-elle.

Une «simple» amitié

Après son année d'activité dans le cadre de l'association, la retraitée «prend la liberté» de continuer à voir la jeune Afghane: «C'est là que je lui ai proposé de nous tutoyer.» Si elles ne se voient pas fréquemment, elles gardent tout de même contact, prennent des nouvelles, se baladent ensemble. «Avant l'arrivée du coronavirus, nous sommes allées nous promener au lac Retaud, au Bouveret, ou sur les quais de Villeneuve. Nous discutons un peu de tout», raconte la Suissesse. La pandémie a certes un peu freiné leurs rencontres, mais un message de Nazanin est arrivé après les fêtes de Noël et Annie en a eu «chaud au coeur».

Il y a quelque temps, Nazanin a attrapé le Covid: «Aucun de mes autres amis ne m'a offert son aide. Annie, elle, a tout de suite proposé de me faire les courses et de les déposer devant ma porte. Mais je n'ai pas voulu qu'elle le fasse, car j'ai entendu que le virus était dangereux pour les personnes plus âgées. J'avais trop peur pour elle.»

La jeune femme, qui rêvait en voyant les chalets du dessin animé «Heidi» dans son enfance, est heureuse d'être en Suisse. Comme elle parle désormais la langue, Nazanin espère trouver une place d'apprentissage dans les soins. Elle a d'ailleurs déjà effectué un stage en EMS.

Une chose est sûre: dans cette nouvelle étape, elle pourra compter sur le soutien d'une véritable amie.