Résistante et militanteJoséphine Baker, une icône noire au Panthéon français
ATS
28.11.2021 - 07:01
Première artiste noire célébrée en France, héroïne de la Résistance et militante anti-raciste, Joséphine Baker va faire mardi son entrée au Panthéon français. Emmanuel Macron évoquera une vie «placée sous le signe de la quête de liberté et de justice».
Keystone-SDA
28.11.2021, 07:01
28.11.2021, 08:55
ATS
L'icône des années folles, née en 1906 aux Etats-Unis avant d'adopter la nationalité française, ne sera que la sixième femme sur 80 personnages illustres à recevoir l'honneur d'être accueillie au Panthéon, grandiose édifice néo-classique au coeur de Paris dont le fronton proclame «Aux grands hommes, la patrie reconnaissante».
Décidée par le président français, sa panthéonisation intervient 46 ans après sa mort, le 12 avril 1975 à l'âge de 68 ans, trois jours après avoir fêté ses noces d'or sur la scène.
«Artiste de music-hall de renommée mondiale, engagée dans la Résistance, inlassable militante antiraciste, elle fut de tous les combats qui rassemblent les citoyens de bonne volonté, en France comme de par le monde (...). Elle est l'incarnation de l'esprit français», a souligné le chef de l'Etat français qui présidera la cérémonie mardi.
Deux amours
Avec l'atypique vedette, Emmanuel Macron fait le choix de casser les codes en élargissant le profil un peu figé des «panthéonisés», pour la plupart hommes d'Etat, héros de guerre ou écrivains: Victor Hugo, Emile Zola, le résistant Jean Moulin, Marie Curie... Un choix inattendu qui a finalement réussi à emporter le consensus de toute la classe politique.
Née dans la misère aux Etats-Unis, la jeune femme fuit la ségrégation et s'installe en France. Elle ravit le tout-Paris en dansant le Charleston, seins nus, dans un déchaînement de batterie-jazz. La première chanson qu'elle interprète, «J'ai deux amours, mon pays et Paris», en 1930 au Casino de Paris, la consacre comme diva.
Contre-espionnage
Naturalisée française en 1937 à la faveur d'un mariage avec un industriel juif, la star met son talent musical à contribution dès les premiers mois du conflit pour divertir les soldats français sur le front. Et profite des réceptions auxquelles elle est conviée dans les ambassades et les pays étrangers pour recueillir du renseignement.
«C'est la France qui m'a faite ce que je suis, je lui garderai une reconnaissance éternelle», fait-elle valoir en acceptant de servir le contre-espionnage des Forces françaises libres. Elle transmet à Londres des rapports cachés à l'encre sympathique dans ses partitions, ce qui lui vaudra la médaille de la Résistance et la Croix de guerre.
Engagée en Afrique du Nord dans l'armée de l'Air, Josephine Baker débarque à Marseille en octobre 1944. En mai 1945, elle se produira en Allemagne devant des déportés libérés des camps.
Une tribu de douze
«Notre mère a servi le pays, elle est un exemple des valeurs républicaines et humanistes», mais «elle a toujours dit: 'Moi je n'ai fait que ce qui était normal'», a expliqué l'AFP son fils aîné, Akio Bouillon.
Toute le reste de sa vie, elle se bat contre les discriminations. Avec son quatrième époux, elle devient mère d'une «tribu arc-en-ciel» de 12 enfants adoptés aux quatre coins du monde, qu'elle élève dans son château en Dordogne, dans le sud-ouest de la France.
En 1963, à Washington, elle s'exprima après Martin Luther King et son fameux «I have a dream». Cette marche pour les droits civiques des noirs américains fut le «plus beau jour de sa vie», confiait la star.
Pour le romancier français Pascal Bruckner, sa panthéonisation «symbolise l'image d'une France qui n'est pas raciste».
Le cercueil de Josephine Baker sera porté mardi par des militaires jusqu'au Panthéon, au son de la Marseillaise et des airs de la diva.
Mais c'est un cénotaphe (tombeau ne contenant pas le corps) qui sera installé dans un des caveaux de la crypte. La dépouille de l'artiste demeurera au cimetière marin de Monaco, non loin de la tombe de la princesse Grace qui l'avait soutenue dans les dernières années de sa vie.