La justice marocaine a alourdi en appel la peine du patron de presse Taoufik Bouachrine en le condamnant à 15 ans de prison pour des violences sexuelles. Le journaliste, qui a toujours nié les faits, dénonce un «procès politique».
M. Bouachrine, patron du quotidien indépendant Akhbar al-Yaoum, avait été condamné à 12 ans de prison ferme pour «traite d'êtres humains», «abus de pouvoir à des fins sexuelles», «viol et tentative de viol» en première instance, en novembre 2018. Il a toujours nié ces accusations, en dénonçant des preuves fabriquées et en invoquant des relations consenties.
La cour d'appel de Casablanca l'a à nouveau jugé coupable vendredi, après sept heures de délibéré, au terme du procès qui s'était ouvert en avril dernier. Sa peine de prison a été assortie d'un total de 2,5 millions de dirhams (258'000 francs) d'indemnités pour les huit plaignantes.
Début octobre, le représentant du parquet avait demandé aux juges d'alourdir sa condamnation à 20 ans de prison assortis d'une amende d'un million de dirhams.
«Liberté d'expression»
Celui qui fut un influent homme de presse, réputé pour sa plume critique, a boycotté les dernières audiences d'appel pour protester contre les méthodes de l'accusation qui, selon lui, l'ont empêché de démontrer son innocence.
Il a cependant tenu à exercer son droit de parole vendredi, se présentant devant les juges pour les appeler à une sentence «juste». «Je mentirais si je vous disais que je n'ai pas peur de la prison, mais j'ai encore plus peur pour l'avenir de la liberté de la presse et de la liberté d'expression», a affirmé le patron du quotidien arabophone le plus lu du pays.
Plusieurs journalistes d'Akhbar al-Yaoum, présents au tribunal pour le délibéré, ont accueilli sa condamnation avec des cris de déception visible. Parmi eux, Hajar Raissouni, une jeune reporter récemment grâciée par le roi du Maroc après avoir été condamnée à un an de prison ferme dans une affaire de moeurs qu'elle a dénoncée comme un «procès politique».
Dans sa dernière prise de parole, M. Bouachrine avait espéré que les juges de cour d'appel seraient en phase avec «l'esprit» de la grâce accordée par le roi.
En cassation
Après le jugement, un de ses avocats, Me Abdelmoula Marouri, a espéré «une issue politique». Il a aussi affirmé à l'AFP que son client allait se pourvoir en cassation en estimant que sa condamnation était «aussi sévère qu'inattendue car elle ne repose sur aucun élément».
Les avocats des parties civiles comptent eux aussi aller en cassation car, selon eux, les indemnisations accordées aux victimes ne sont «pas à la hauteur du préjudice subi», comme l'a dit l'un d'eux à l'AFP. Pour eux, les témoignages et les preuves à charge sont «irréfutables».
Après la sentence, le quinquagénaire a été emmené à la prison de Casablanca où il est incarcéré depuis son arrestation en février 2018.
Détention «arbitraire»
Après sa condamnation en première instance, un groupe d'experts du Conseil des droits humains des Nations unies avait appelé à sa libération immédiate dans un avis public, en stigmatisant une détention «arbitraire» et un «harcèlement judiciaire», sous-tendu par une insuffisance de preuves et de «témoignages à charge».
Les autorités marocaines ont toujours affirmé que la procédure était conforme aux normes internationale, en mettant en avant «l'indépendance de la justice».
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