Agression à Lugano L'accusation et la défense s'affrontent

evpf, ats

1.9.2022 - 17:10

Entre le «délire» plaidé par la défense et l'acte terroriste avancé par l'accusation, le procès de l'attaque au couteau commise le 24 novembre 2020 dans un grand magasin de Lugano a suscité l'intérêt à Bellinzone. Les deux interprétations se sont opposées jeudi.

Affaire inédite jugée par le Tribunal fédéral de Bellinzone.
Affaire inédite jugée par le Tribunal fédéral de Bellinzone.
ATS

En matinée, au quatrième jour de ce procès devant le Tribunal pénal fédéral, le Ministère public de la Confédération (MPC) a requis une peine de 14 ans de prison, assortie de mesures thérapeutiques en institution contre la prévenue. Celle-ci, âgée de 29 ans, née de père suisse et de mère serbe et convertie à l'islam, avait tenté d'égorger deux femmes il y a deux ans au nom du groupe Etat islamique dans un magasin Manor de Lugano, au moyen d'un couteau pris dans un rayon.

La jeune femme n'a pas exprimé de remords jeudi après qu'on lui a montré les images des blessures de ses victimes, a relevé la procureure Elisabetta Tizzoni devant le Tribunal. De plus, elle s'est dite prête à recommencer, «en mieux», mais plus en Suisse, dans un autre pays et avec des complices.

Troubles psychiques

L'agression était avant tout liée aux problèmes psychiques de l'accusée, a contre-attaqué un des deux avocats. Deux expertises ont démontré que la jeune femme souffrait de psychoses et de troubles schizophréniques. La défense demande une peine d'emprisonnement de huit ans.

L'avocat a estimé que fedpol (l'Office fédéral de la police) avait accordé plus d'importance que nécessaire à cette affaire. Les autorités tessinoises ont été de leur côté, selon lui, un peu trop promptes à évoquer un «acte terroriste». Les autorités cantonales et fédérales auraient mieux fait «d'attendre» avant de coller «une telle étiquette».

Certes, l'agresseuse a elle-même défini devant la Cour son acte comme «terroriste». Mais un aveu, en Suisse, ne suffit pas à condamner. Il faut des preuves, a rappelé le défenseur.

La jeune femme avait des contacts en Syrie, mais rien ne démontre que ces dernières appartenaient à une unité terroriste, a-t-il ajouté, précisant encore que sa cliente ne pratiquait pas sa religion. Du reste, interrogée devant le tribunal, elle n'a pas su répondre à la question de savoir ce qu'était la charia.

«Allah Akbar»

Par ailleurs, aucun des témoins n'a entendu l'accusée crier «Allah Akbar», a poursuivi la défense. La seule à avoir rapporté ce cri est une des deux victimes, dont les souvenirs peuvent très bien avoir été faussés par son état de stress.

Une des victimes a subi une blessure d'au moins dix centimètres de profondeur au cou, ainsi que diverses coupures au visage, aux avant-bras, aux poignets et aux mains. Elle s'est constituée partie civile et réclame 440'000 francs. La seconde femme, qui a maîtrisé l'accusée avec d'autres témoins, a été touchée à la main droite.

Quelles que soient les causes, «acte de folie ou terrorisme, les deux hypothèses ne s'excluent pas», a fait valoir la procureure, soutenant qu'une personne souffrant de problèmes mentaux peut être capable de commettre un acte terroriste. Selon elle, l'inculpée a commis un attentat terroriste. Elle «voulait tuer, sans scrupule et sans pitié, au nom d'une idéologie violente».

Aux yeux des experts, la jeune femme présente un risque de récidive.

Passé trouble

Selon l'acte d'accusation, la jeune femme doit répondre de «tentatives répétées d'assassinat» et de violation de l'article de la loi fédérale interdisant les groupes jihadistes Al-Qaïda et Etat islamique.

En outre, elle se voit reprocher de s'être prostituée pendant plusieurs années, de 2017 à 2020, sans s'être annoncée aux autorités.

L'accusée avait déjà attiré l'attention de la justice: en 2017, elle avait tenté de se rendre en Syrie, mais avait été arrêtée à la frontière syro-turque et renvoyée en Suisse par Ankara. Elle avait alors été admise dans un établissement psychiatrique.

Le verdict est attendu le 19 septembre.

evpf, ats