SantéL'Etat de New York se rêve en nouvel eldorado du cannabis
Relax
25.4.2021 - 14:01
ETX Studio
25.04.2021, 14:01
Kaelan Castetter arpente les bureaux à l'abandon qui jouxtent sa manufacture de produits à base de cannabidiol.
Dans quelques mois, le vaste espace de 3.000 m2 sera entièrement consacré à l'exploitation du cannabis, dont l'usage récréatif est légal dans l'Etat de New York depuis le mois dernier.
«On va construire un complexe ultramoderne, de classe internationale pour cultiver le cannabis et étudier sa génétique à côté de notre usine de produits finis», décrit le patron d'Empire Standard, un site qui a ouvert l'an dernier en banlieue de Binghamton, à trois heures de route au nord-ouest de New York.
L'entreprise fabrique huiles, baumes, cosmétiques, cigarettes, bonbons et boissons à partir de cannabidiol (CBD), une substance non-addictive du cannabis appréciée pour ses vertus relaxantes, et approvisionne des détaillants de la région.
Fin mars, le gouverneur de l'Etat de New York Andrew Cuomo a entériné une loi autorisant la possession et la consommation de cannabis à usage récréatif pour les adultes de 21 ans et plus, et élargissant sa distribution à des fins médicales.
Des entreprises comme Empire Standard vont ainsi pouvoir faire pousser des variétés de cannabis à forte concentration en tétrahydrocannabinol (THC), la molécule psychoactive de la plante.
Opportunité
Devant la chaîne de montage de l'usine de Binghamton, des employés en blouse de travail assemblent des petites boîtes en plastique contenant des fleurs de CBD sous la direction de Jim Castetter, le père de Kaelan.
A 55 ans, ce pionnier du secteur est aujourd'hui chef des ventes d'Empire Standard après de multiples aventures entrepreneuriales, plus ou moins licites, dans l'industrie du cannabis new-yorkais.
Il voit la légalisation comme une opportunité historique.
«Combien de fois dans votre vie avez-vous la chance d'entrer sur un marché établi avec un produit qui était interdit à la vente? C'est unique», explique-t-il. «On s'est trouvé au bon endroit, au bon moment avec suffisamment de passion, d'ambition et de savoir-faire pour pouvoir en tirer profit.»
De son côté, Kaelan Castetter est convaincu que l'Etat de New York va devenir un centre mondial de la vente de marijuana, au même titre que la Californie.
«Il ne pouvait y avoir de meilleur moment pour que New York légalise le cannabis avec 30.000 à 50.000 emplois à la clef et des milliards de dollars injectés dans l'économie», s'enthousiasme-t-il, confiant avoir vu son activité s'essouffler pendant la pandémie.
Ce jeune entrepreneur de 24 ans compte faire passer ses effectifs d'une quinzaine de salariés à plus de 100.
Un long chemin
Les retombées économiques de la légalisation ne devraient toutefois pas être immédiates.
Pour produire, distribuer ou vendre du cannabis, les professionnels devront posséder une licence d'exploitation, octroyée par une commission en cours de formation.
«Les premières licences seront accordées au mieux d'ici la fin de l'année, et seulement si tous les voyants sont au vert», prévient Cristina Buccola, une avocate new-yorkaise spécialiste de l'industrie.
Le cannabis récréatif, désormais légal dans 16 Etats américains et à Washington, reste en outre interdit au niveau fédéral, ce qui laisse envisager de possibles contestations dans l'application de la loi.
«En cas de conflit, le gouvernement gagne presque à tous les coups», résume Mme Buccola.
Motif d'espoir pour les partisans d'une légalisation dans tout le pays, le chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, qui représente l'Etat de New York, s'y est dit favorable et veut travailler à sa mise en oeuvre.
Justice sociale
La loi new-yorkaise se distingue de celle d'autres Etats américains par d'ambitieux objectifs en matière de justice sociale.
Elle prévoit de reverser une partie des taxes sur la vente de cannabis (un montant estimé à 350 millions de dollars par an) vers les communautés les plus affectées par la répression contre les drogues aux Etats-Unis – les Noirs et les Latinos.
Les casiers judiciaires des personnes condamnées pour possession illégale de cannabis seront purgés. Et la moitié des licences seront réservées à des minorités, des entreprises appartenant à des femmes, des anciens militaires blessés ou des agriculteurs sinistrés.
«New York a établi ces priorités dans la loi, mais il va falloir aller au fond des choses et créer un secteur vraiment accessible à tous», avertit Kaelan Castetter, qui s'efforce de recruter des salariés issus de la diversité.
Au sein de la population, la légalisation n'a jamais été autant soutenue: 68% des Américains y sont favorables, contre moins de 50% il y a une décennie, selon un sondage réalisé fin 2020 par Gallup.
Une évolution que Jim Castetter attribue à «un changement de génération, de mentalité et de structure politique. Aujourd'hui tout le monde se rend compte que consommer du cannabis n'est pas une si grande affaire.»