Médecine/neurosciences La musique aide le cerveau des prématurés

ATS

27.5.2019 - 21:03

Des chercheurs genevois montrent dans une étude comment une musique spécialement composée à cet effet est à même de renforcer le développement du cerveau des grands prématurés. Cela pourrait limiter les retards neurologiques fréquents chez ces enfants.

En Suisse, près de 1% des enfants naissent «grands prématurés», soit avant la 32e semaine de grossesse, ce qui représente environ 800 enfants chaque année. La très grande majorité d’entre eux survit, mais la moitié présente plus tard des troubles de l’apprentissage, de la concentration ou de la gestion des émotions.

Pour aider le cerveau de ces nouveaux-nés si fragiles à se développer au mieux malgré l’environnement sensoriel perturbant des soins intensifs, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) proposent une solution originale: de la musique composée spécialement pour eux.

Les scientifiques sont partis d’une idée concrète: comme les déficits neuronaux des prématurés sont notamment dus à des stimulations inattendues et stressantes, il faudrait aménager leur environnement en y introduisant des stimuli agréables et structurants.

Au moment opportun

Le système auditif étant fonctionnel tôt, la musique est apparue comme un bon candidat. «Nous avons rencontré, un peu par hasard, le compositeur Andreas Vollenweider, qui avait déjà mené des projets musicaux avec des populations fragiles et qui s’est montré très intéressé à créer une musique adaptée aux enfants prématurés», indique Petra Hüppi, médecin-cheffe du Service de développement et croissance des HUG, qui a dirigé ces travaux.

«Il était important que ces stimuli musicaux soient en relation avec l’état du bébé. Nous voulions structurer la journée avec des stimuli plaisants présentés à des moments adaptés: une musique pour accompagner l’éveil, une pour accompagner l’endormissement et une pour interagir durant les phases d’éveil», ajoute Lara Lordier, docteure en neurosciences et chercheuse aux HUG et à l’UNIGE, citée lundi dans un communiqué de cette dernière.

Andreas Vollenweider a joué toutes sortes d’instruments aux bébés, en présence d’une infirmière spécialisée en soins de soutien au développement. «L’instrument qui a engendré le plus de réactions était la flûte indienne des charmeurs de serpents (le punji)«, se souvient Lara Lordier.

Des enfants très agités se calmaient presque instantanément, leur attention était attirée par la musique. Le musicien a donc créé trois environnements sonores de huit minutes chacun, composés de morceaux de punji, de harpe et de clochettes.

Trois groupes

L’étude s’est déroulée en double aveugle, avec un groupe de prématurés qui a écouté la musique, un autre groupe de prématurés contrôle, ainsi qu’un groupe d’enfants nés à terme. Les scientifiques ont utilisé l’IRM fonctionnelle au repos sur les trois groupes d’enfants.

Sans musique, les prématurés avaient de manière générale une connectivité fonctionnelle entre les aires du cerveau moins bonne que les bébés nés à terme, confirmant ainsi l’effet négatif de la prématurité.

Le réseau le plus atteint est celui dit «de saillance» qui détecte les informations et en évalue la pertinence, pour faire ensuite le lien avec les autres réseaux cérébraux qui doivent agir. Ce réseau est essentiel, tant pour l’apprentissage et l’exécution des tâches cognitives que dans les relations sociales ou la gestion des émotions.

Amélioration significative

Les réseaux neuronaux des enfants ayant entendu la musique d’Andreas Vollenweider se sont trouvés améliorés de manière significative: les connexions entre le réseau de saillance et le cortex auditif, le cortex sensori-moteur ou encore le cortex frontal étaient en effet beaucoup plus actives et proches de celles d’un enfant né à terme, selon cette étude publiée dans la revue américaine PNAS.

Les premiers enfants enrôlés dans le projet ont aujourd’hui six ans, âge auquel les troubles cognitifs commencent à être détectables. Les scientifiques vont maintenant revoir leurs jeunes patients pour observer si les résultats positifs mesurés lors de leurs premières semaines de vie ont perduré.

https://www.youtube.com/watch?v=WQddT38h1RE&feature=youtu.be

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