Procès La négligence de l'employeur a causé la mort de son ouvrier

ss, ats

30.3.2022 - 14:26

Le Tribunal criminel du Nord Vaudois se penchait mercredi à Yverdon sur le cas d'un entrepreneur vaudois dont les négligences répétées en matière de sécurité avaient fini par coûter la vie à un jeune employé sur un chantier à Ballaigues en mai 2017. Le prévenu est jugé pour son meurtre mais aussi pour violation des règles de l'art de construire. Pour le seul meurtre, il encourt un minimum de cinq ans de prison.

Entre 2010 et 2013, la Suva avait plusieurs fois mis en garde l'entrepreneur qui ne respectait pas les règles de sécurité en vigueur pour éviter des chutes graves lors de travaux en hauteur. (image d'illustration)
Entre 2010 et 2013, la Suva avait plusieurs fois mis en garde l'entrepreneur qui ne respectait pas les règles de sécurité en vigueur pour éviter des chutes graves lors de travaux en hauteur. (image d'illustration)
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Keystone-SDA, ss, ats

Sur le banc des accusés: un homme de 57 ans, domicilié à Pampigny et dirigeant une entreprise de construction. Sur celui des parties civiles: les parents du disparu, âgé de 22 ans à l'époque du drame.

Entre 2010 et 2013, la Suva avait plusieurs fois mis en garde l'entrepreneur qui ne respectait pas les règles de sécurité en vigueur pour éviter des chutes graves lors de travaux en hauteur.

Chute mortelle de 9,4 m de haut

Sur le chantier fatal, un jour de mai 2017, le quinquagénaire avait une nouvelle fois dédaigné de respecter ces consignes. Conséquence: un des deux ouvriers qu'il avait mandatés sur le chantier était passé à travers le toit de l'entrepôt qu'il était en train de rénover.

Sa chute de 9,4 mètres de haut l'avait vu heurter une palette de cartons de vin située à 10 mètres seulement d'un chauffeur de l'entreprise qui s'activait là. Le jeune homme a été grièvement blessé à la tête. Héliporté au CHUV, il y est décédé le lendemain matin.

«J'ai pleuré toutes mes tripes»

«Perte, abandon et reconstruction», sont les trois premiers mots qui sont venus à la bouche du frère aîné du disparu, appelé à la barre. Le trentenaire, en sanglots, se souvient du coup de téléphone l'informant que son «frangin allait être débranché». «Je me suis retrouvé seul, fils unique. Aujourd'hui, il me manque l'amour d'un frère», confie-t-il.

«Jamais je n'aurais cru devoir vivre une telle peine un jour», a expliqué en larmes la mère du défunt. «Notre fils aimait les gens, il était présent quand on avait besoin de lui. C'était ma chair. C'était un bonheur», poursuit-elle.

«Je l'ai veillé toute la nuit. J'ai pleuré toutes mes tripes quand il est mort. C'était mon bébé qui partait. Après, c'est le vide. Je partais hurler dans la forêt tous les jours. C'était trop douloureux. Il fallait apprendre à faire sans. On m'a enlevé la moitié de mon cœur. Jamais il ne deviendra guide touristique en Afrique comme il en rêvait. Jamais il ne nous donnera des petits-enfants», a encore confessé la maman.

Le père du disparu a, de son côté, demandé au tribunal de faire en sorte que «des mesures soient prises pour que de tels drames ne se reproduisent plus». «Il y avait pas plus gentil et généreux que notre fils. Il a même fait donation de son corps pour sauver d'autres personnes. C'est un réconfort pour nous de savoir que d'autres vivent grâce à lui», a dit le papa.

Spécialiste de la Suva à la barre

«Au sein de l'entreprise, on ne m'a jamais expliqué ce qu'était un équipement de sécurité individuel et je me suis toujours équipé comme je l'entendais», a témoigné le second employé présent sur les lieux du drame. Cet homme a expliqué que son employeur lui avait demandé de se sécuriser et que travailler sur ce chantier depuis la nacelle fournie par celui-ci n'était pas possible. Il révèle que son collègue et lui avait décidé par eux-mêmes de se désencorder pour travailler.

Un spécialiste de la Suva, appelé à la barre, a, lui, rappelé que sur de tels chantiers, des filets de protection des chutes ou des plateformes de retenue auraient dû être mis en place sous la toiture et d'autres protections sur son pourtour. L'expert a aussi noté qu'aucune mesure de sécurité n'avait été mise en place pour se protéger de l'amiante que les ouvriers devaient manipuler.