Evasion meurtrière en France La police lance un appel à témoins pour retrouver l'ennemi public numéro 1

AFP

11.7.2024

Propulsé ennemi public numéro 1 après son évasion le 14 mai d'un fourgon pénitentiaire, lors d'un guet-apens ultra-violent qui a causé la mort de deux surveillants, Mohamed Amra échappe toujours à la Police judiciaire (PJ) qui vient de lancer un appel pour trouver de nouveaux témoignages.

Mohamed Amra et le reste du commando ont pris la fuite en voiture le 14 mai.
Mohamed Amra et le reste du commando ont pris la fuite en voiture le 14 mai.
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Un commando d'hommes cagoulés et vêtus de noir venus tirer sans sommation apparente: la scène, d'une violence inouïe et immortalisée par une caméra du péage d'Incarville (Eure), avait suscité une vive émotion, jusqu'au plus haut sommet de l'Etat.

«Nous serons intraitables», avait écrit sur le réseau social X Emmanuel Macron. «Nous les traquerons, nous les trouverons», avait lancé le Premier ministre Gabriel Attal à l'Assemblée nationale.

De premières déclarations pouvaient laisser deviner que les enquêteurs de l'Office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO) et de la PJ de Rouen, chargés des investigations, mettraient rapidement la main sur le fugitif et les assaillants.

«Ils avancent très bien», confiait ainsi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à la télévision deux jours après les faits. «Ils ont des pistes sérieuses», avançait au bout d'une semaine la procureure de Paris Laure Beccuau.

Mais depuis, à l'exception d'auditions de proches d'Amra, dont ses parents et sa compagne, et quelques perquisitions, aucune information sur une éventuelle progression significative de l'enquête n'a fuité dans la presse, à la satisfaction de la PJ où secret rime avec efficacité.

«Un travail long et très complexe»

«Moins on parle de cette affaire et plus elle progressera vite», a déclaré jeudi sur RTL le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, qui publiera prochainement les conclusions de l'enquête administrative sur les défaillances éventuelles des services dans ce dossier.

«On ne nous donne aucune nouvelle» mais «je fais confiance» aux enquêteurs, a dit sur RMC Dominique Garcia, le père d'Arnaud Garcia, l'un des surveillants tués.

«Une enquête comme celle-là, c'est un travail long et très complexe. Ça ne se fait pas en un claquement de doigts», confiait un enquêteur peu après l'attaque.

L'appel à témoins lancé mercredi matin pourrait cependant suggérer que les investigations marquent le pas.

La PJ y admet ignorer avec quelles voitures Amra et le reste du commando ont pris la fuite après avoir incendié une Audi S5 blanche et une BMW série 4 noire à Houetteville et Gauville-la-Campagne, deux villages de l'Eure situés à quelques dizaines de kilomètres de l'attaque.

L'appel à témoins est «une démarche classique dans une enquête criminelle», balaye une source proche de l'enquête. «L'enquête ne patine pas mais nous souhaitons ne pas passer à côté d'informations ou de témoignages susceptibles de venir la nourrir», affirme un responsable de la PJ. «On met le paquet», ajoute-t-il.

«Pousser à la faute»

La PJ a en effet mis les gros moyens, avec «300 policiers qui bossent jour et nuit», selon Eric Dupond-Moretti. «C'est un peu réducteur de parler d'un nombre d'enquêteurs. Ça évolue en fonction des avancées de l'enquête et des missions», nuance la source proche de l'enquête.

Policiers et magistrats ont un atout que n'ont pas les fugitifs: le temps. «Une cavale, ça coûte hyper cher. Et même si cette équipe a sans doute de gros moyens, l'argent n'est pas inépuisable. Ce sont des trafiquants de stups, avec des concurrents, ils vont être obligés de revenir sur le terrain, ils peuvent se faire balancer», pronostique Jean-François Maugard, ancien commandant à la brigade de répression du banditisme (BRB) de la police judiciaire parisienne.

Diffuser un appel à témoins, «ça peut aussi remettre un coup de pression sur les voyous ou les mettre en confiance et les pousser à la faute», estime-t-il.