Crise démographique La Russie veut interdire «la propagande du sans enfant»

AFP

24.9.2024

Les députés russes ont entamé mardi l'examen d'une proposition de loi interdisant la promotion de la vie sans enfant, sur fond de crise démographique, amplifiée par le conflit en Ukraine, et de tournant ultraconservateur pris par le Kremlin.

Il y a quelques jours, le porte-parole de la présidence russe a juré que «tout ce qui doit être fait pour augmenter le taux de natalité doit être réalisé. Et tout ce qui empêche cela doit, bien sûr, disparaître de nos vies.»
Il y a quelques jours, le porte-parole de la présidence russe a juré que «tout ce qui doit être fait pour augmenter le taux de natalité doit être réalisé. Et tout ce qui empêche cela doit, bien sûr, disparaître de nos vies.»

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La défense des valeurs dites «traditionnelles» est un cheval de bataille du président Vladimir Poutine, qui n'a de cesse de dénoncer la «décadence» occidentale. La Russie réprime déjà à ce titre les droits des communautés LGBT+.

Désormais, la classe politique veut bannir la «propagande» du mouvement «childfree», terme utilisé pour les personnes faisant volontairement le choix de ne pas avoir d'enfant, pour des raisons personnelles, économiques ou environnementales notamment.

«Il est proposé d'interdire la propagande du sans enfant: sur Internet, dans les médias, les films et dans les publicités», a indiqué sur Telegram Viatcheslav Volodine, le président de la Douma (chambre basse), avant l'examen du texte en commission mardi.

«Une famille nombreuse est la base d'un État fort»

«Une famille chaleureuse et nombreuse est la base d'un État fort», a martelé ce responsable proche de M. Poutine.

D'après M. Volodine, une personne physique risquera 400.000 roubles d'amende (environ 4.000 euros), les fonctionnaires le double, tandis que pour les personnes morales la sanction peut être portée à 5 millions de roubles.

Aucun de ces responsables n'a évoqué la question de la contraception et le texte n'a pas encore été rendu public.

Elvira Aïtkoulova, députée qui a co-écrit la proposition, avait assuré lundi que les idées défendues par les partisans du mouvement «Childfree» représentaient «un comportement destructeur» à même de mener au «dépeuplement» de la Russie.

«Ce mouvement ne correspond pas aux attentes actuelles des femmes», a affirmé Valentina Matvienko, la présidente du Conseil de la Fédération, la chambre haute du Parlement, appelant à «l'interdire légalement».

Il y a quelques jours, le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, avait lui juré que «tout ce qui doit être fait pour augmenter le taux de natalité doit être réalisé. Et tout ce qui empêche cela doit, bien sûr, disparaître de nos vies.»

«Personnes impies»

Dans le centre-ville de Moscou, Abdoullah Chamkhalov, un homme d'affaires de 49 ans, se dit «favorable» à la proposition de loi.

«Laissons les gens se marier, avoir des enfants !», exhorte-t-il auprès de l'AFP: «C'est la chose la plus importante dans la vie», enchaîne-t-il, qualifiant de «sectes, de personnes impies» ceux qui font le choix de ne pas avoir d'enfants.

A l'inverse, Victoria, une psychothérapeute de 47 ans, juge qu'un tel texte législatif n'est «pas pertinent». «Je pense qu'il y a des choses plus importantes à traiter» actuellement, assure cette maman de deux enfants.

Un avis partagé par Anastassia, jeune étudiante de 22 ans, qui dit n'avoir «jamais été témoin de propagande» en faveur d'un mode de vie sans enfant.

Avoir des enfants ou non, «c'est un choix personnel. Il s'agit de son corps et de sa vie personnelle», plaide-t-elle.

Depuis son arrivée au Kremlin en 2000, M. Poutine a affiché comme priorité d'enrayer la crise démographique russe, héritée de l'époque soviétique, mais n'y est jamais parvenu.

Les mesures natalistes n'ont pas eu les effets escomptés, le Kremlin reconnaissant en juillet une situation «catastrophique pour l'avenir de la nation».

Les pertes sur le front en Ukraine depuis 2022 n'ont fait qu'accentuer cette tendance.

Les autorités défendent leur ligne conservatrice sur les questions de société, y voyant une extension de la lutte contre les Occidentaux.

La Cour suprême a banni fin 2023 le «mouvement international LGBT» pour «extrémisme», une formulation floue ouvrant la porte à de lourdes peines de prison.

Cette semaine la Douma doit également examiner un texte interdisant l'adoption d'enfants russes par des ressortissants de pays autorisant la transition de genre.