Polémique en Allemagne Un tas de ferraille? L'Airbus militaire souffre d'une mauvaise image

Ralf E. Krüger, dpa

29.5.2018

L'armée allemande n'a jamais été autant critiquée. Parmi ses systèmes d'armement, l'A400M prend la première place du classement des cancres. Sa réputation est catastrophique – en Allemagne, tout du moins. Dans les autres pays utilisant cet appareil, en revanche, la situation s'est apaisée.

Roi de la panne, tas de ferraille, avion à problèmes: la liste des surnoms dénigrants donnés au transporteur militaire A400M d'Airbus est longue. Contrairement à ce qui est le cas dans d'autres pays européens, l'appareil, officiellement baptisé «Atlas», est très mal coté en Allemagne. Il a coûté environ 1,5 milliard d'euros de plus que prévu et a été livré avec plus de onze années de retard.

Ayant connu de graves difficultés initiales et de nombreux défauts de jeunesse, le transporteur a longtemps eu mauvaise réputation. Cependant, c'est en Allemagne, où l'armée de l'air accueillera bientôt son 19e appareil à Wunstorf, près de Hanovre, la seule base militaire allemande à posséder des appareils A400M, qu'elle est la plus tenace.

Mais pourquoi tant de critiques?

L'A400M, extrêmement complexe d'un point de vue technique, est-il aujourd'hui capable de faire tout ce qu'il devrait pouvoir faire? «Il n'a pas encore atteint 100 pour cent des capacités promises», reconnaît Florian Taitsch, porte-parole d'Airbus en charge du programme A400M.

«En réalité, la marge de progression est encore grande et nous comptons bien faire de l'A400M un appareil efficace, même si nous devons y travailler sans relâche.» Il constate que l'avion jouit d'une tout autre perception dans les autres pays qui l'utilisent, comme la France et le Royaume-Uni.

En France l'armée est satisfaite

A ce jour, ce sont les Français qui possèdent la plus longue expérience du pilotage d'A400M. «L'armée de l'air est pleinement satisfaite des appareils dans leur état actuel. Leur fiabilité est aujourd'hui tout à fait acceptable», avait déjà déclaré Paul Villemin, l'officier français en charge du programme, au journal «Les Echos» l'été dernier.

Il s'était d'ailleurs étonné de l'état d'esprit allemand: «Alors que du côté français, ces problèmes passent relativement inaperçus, les Allemands s'indignent autant que Paris un an auparavant.» La France, qui a déjà fait l'acquisition de 14 appareils, teste actuellement un A400M sur des pistes de brousse d'Afrique de l'Ouest.

Certains pilotes allemands se disent conquis

Même si l'appareil a dû surmonter quelques défauts de jeunesse, les Britanniques et les Français ont rapidement mis leurs A400M en service. Officieusement, il faut entre 40 et 60 minutes pour préparer une opération de l'A400M en France. Ce délai peut atteindre 90 minutes en cas de missions tactiques. Pour ce faire, comme le rapporte Airbus, les planificateurs d'opérations français s'appuient sur les mêmes systèmes informatiques que leurs collègues allemands.

En France, malgré des problèmes techniques occasionnels, le débat fait beaucoup moins de bruit. Même l'étalement de la production de l'A400M n'a rien changé à la situation: elle devrait désormais passer de 19 appareils en 2017 à 8 appareils à partir de 2020. En outre, la production sera prolongée jusqu'à 2030. Pour l'instant, 61 appareils ont été livrés.

A mots couverts, certains pilotes allemands se disent conquis par les caractéristiques de vol de l'A400M. Sur certains points, il serait même plus performant que stipulé contractuellement, notamment pour ce qui est de sa charge utile ou de sa distance d'atterrissage, particulièrement courte. Ses extraordinaires capacités de vol à basse altitude entièrement automatisées, ce qui constitue une sorte de première mondiale, font également sensation. Officiellement cependant, les pilotes se montrent plutôt réticents à évoquer le sujet.

Pas de chance pour la ministre allemande de la Défense

Car pour l'instant, l'armée de l'air allemande évite les médias: insistant sur le fait que d'importants préparatifs logistiques sont actuellement en cours pour le «Tag der Bundeswehr», qui aura lieu en juin prochain, elle refuse d'ouvrir les portes de sa base aérienne de Wunstorf, la plus moderne d'Allemagne.

De jeunes pilotes d'A400M français sont formés sur place et, à l'inverse, les pilotes allemands expérimentés sont formés à Orléans. Beaucoup de pilotes allemands d'A400M se montrent agacés par les nombreuses pannes de l'appareil et leur impact public négatif.

Comme cette panne dont Ursula von der Leyen a dû subir les conséquences. En effet, la ministre allemande de la Défense a été forcée de rentrer d'un voyage d'affaires à bord d'un Transall, plus petit et plus lent. En cause, un joint défectueux sur l'un des quatre réacteurs de l'A400M. Techniquement, l'appareil aurait parfaitement pu la ramener à bon port avec trois réacteurs, mais on ne peut rien faire sans autorisation.

«L'introduction d'un nouvel avion demande du temps.»

A l'époque, le Kommodore de l'escadre de transport aérien LTG 62, le colonel Ludger Bette, avait tenté une explication dans le journal du site «Das Fliegende Blatt»: «Les opérations de vol routinières de l'A400M, en particulier celles effectuées dans les domaines d'intervention actuels de l'armée, sont suivies par les médias avec beaucoup d'attention», avait-il écrit il y a un an.

«Cependant, les journalistes ont tendance à oublier que l'introduction d'un nouvel avion aussi complexe que celui-là demande du temps.» D'autres avions, qui sont devenus très efficaces par la suite, sont passés par les mêmes étapes que l'A400M.

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